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Ramadan: le bon moment pour poser sa cigarette?

Palestine_1.jpg(La Presse – Canada) – RAMALLAH, Cisjordanie — Pour les musulmans, le jeûne du Ramadan peut servir de tremplin aux campagnes sanitaires de sevrage tabagique, fumer étant le seul « vice » toléré par l’Islam, une religion qui n’interdit que l’alcool.

En Cisjordanie, où vivent des millions de fumeurs palestiniens, le Ramadan, qui s’achève cette année à la fin du mois de septembre, est synonyme de consommation irrégulière, en montagnes russes.

Pour décrocher, la Toile peut servir de support. Ainsi, à Londres, une mosquée a lancé sur son site Web un appel « Arrêter de fumer pour le Ramadan, arrêter pour la vie », alors qu’un réseau de volontaires saoudiens tente de sensibilser des millions d’internautes arabes.

Aurangzaig Amirat, du service de santé britannique, a visité plus d’une douzaine de mosquées de Manchester pendant ce Ramadan, distribuant des timbres et des pastilles à la nicotine pour aider les fidèles à arrêter pour de bon. Un moment, selon lui, bien choisi. « De toutes façons, ils jeûnent », fait-il valoir.

Des religieux font aussi pression en déclarant le tabac « haram », autrement dit interdit par l’Islam.

« Les religieux et les imams ont un rôle à jouer dans la diffusion du message selon lequel fumer est mauvais pour l’organisme », explique Shiraz Malik, directeur général de l’Association islamique médicale d’Amérique du Nord. L’organisme finance la campagne annuelle de sensibilisation au sevrage tabagique pendant le Ramadan.

La religion islamique ne proscrit pas réellement le tabac comme elle interdit l’alcool, les cigarettes n’ayant pas existé du temps du prophète Mahomet, au VIIe siècle. Pour de nombreux musulmans, fumer est le seul vice autorisé et susceptible de résister aux nouvelles lois, explique M. Malik.

Mais ceux qui sont favorables à une interdiction citent le prophète quand il dit que les croyants doivent s’abstenir de tout ce qui peut être dangereux. « Les musulmans ne doivent être dépendants de rien », résume Fadel Soliman, ancien aumonier musulman à l’université américaine de Washington.

Dans un décret islamique (fatwa) datant de 2006, le grand ayatollah Mohammed Fadlallah, le plus haut dignitaire chiite du Liban, a donné l’ordre à ses fidèles d’arrêter de fumer. De son côté, le plus haut dignitaire religieux musulman des Territoires palestiniens estime que fumer, bien que répréhensible, n’est pas interdit par la religion. Et Gamal al-Bana, étudiant egyptien non conformiste, ajoute que fumer est autorisé pendant le jeune du Ramadan, le Coran, le livre sacré des musulmans, ne l’interdisant pas explicitement.

De façon générale, le clergé se montre opposé à une fatwa qui obligerait les musulsmans à choisir entre leur addiction et leur foi. « Même si vous les déclarez haram, les gens vont continuer à fumer parce qu’ils sont dépendants », observe l’imam B. Prasodjo, sociologue d’Indonésie, le plus grand pays musulmans au monde, où environ les deux-tiers de la population masculine fument.

Prasodjo tente de persuader les dirigeants musulmans d’imposer au moins une interdiction de la publicité sur les cigarettes.

Fumer fait partie intégrante de la culture de nombreux pays musulmans. En Jordanie, environ 63% des hommes fument. Les fumeurs sont 49% en Tunisie, 42% en Syrie, 38% dans les Territoires palestiniens et 28% au Maroc et au Liban. Peu de femmes fument en revanche, du fait du tabou culturel.

Pourtant, dans ces pays, la population est avertie des risques, tant sur les paquets de cigarettes que sur les panneaux d’affichage. Sans compter les restaurants qui reservent des coins non fumeurs. Mais il reste une bataille à livrer, même et peut-être surtout pendant le Ramadan où il est coutume de fumer toute la nuit.

Romaneh, chauffeur de taxi de Ramallah, en Cisjordanie, a déclaré que la crainte d’une maladie liée au tabac n’était rien, comparée à la crainte d’une damnation éternelle pour avoir violé le Ramadan. « Cette cigarette me brûle vivant », dit-il. « Je ne veux pas qu’elle me brûle dans l’au-delà. »

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