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Islam et natation à l’école, les juges serrent la vis

Natation_1.jpg(Le Temps – Suisse)- Le Tribunal fédéral change de cap. Il a décidé de se montrer plus restrictif sur la question sensible des dispenses de leçons de natation sollicitées pour des raisons religieuses par des élèves de l’école publique (LT du 24.10.08).

A une courte majorité de trois voix contre deux, les juges de Mon-Repos ont débouté vendredi un père tunisien qui avait demandé que ses deux garçons, alors âgés de 9 et 11 ans, soient dispensés des cours de piscine au programme obligatoire de l’école primaire schaffhousoise.

Pour le Tribunal fédéral, l’intérêt collectif à ce que l’ensemble des élèves suivent le même enseignement pèse en principe plus lourd que l’intérêt privé de quelques-uns à observer certains préceptes de leur foi. Les deux enfants avaient obtenu de pouvoir se changer et se doucher à l’abri des regards. Mais les préceptes invoqués par le père, et confirmés par différentes sources, devaient les soustraire entièrement à des cours mixtes de natation.

«Pour une école forte»

«Ce n’est pas un jugement contre l’islam – il vaut aussi pour les religions traditionnelles -, ni contre la liberté religieuse, mais pour une école forte qui puisse jouer pleinement son rôle intégrateur»: le président de la Cour, le juge Thomas Merkli, a voulu prévenir toute fausse interprétation d’une décision appelée à faire date.

Le Tribunal fédéral estime que son jugement précédent sur la question, qui remonte à 1993 et qui avait déterminé la pratique des cantons ces quinze dernières années, n’est plus adapté aux changements intervenus depuis.

Les problèmes croissants liés à l’intégration des minorités, ont souligné plusieurs membres de la cour, doivent conduire à reconsidérer cette première décision, qui avait reconnu le droit à des musulmans pratiquants de ne pas envoyer leur fille de 9 ans aux cours de natation de l’école primaire zurichoise. Le Tribunal fédéral n’a pas cherché à créer une exception à sa jurisprudence en la réservant aux filles qui demanderaient à être dispensées de la natation.

«Il faut apprécier les dispenses de manière plus restrictive», a souligné la juge fédérale Florence Aubry Girardin. Mais «il appartient de toute façon à l’autorité scolaire de statuer cas par cas dans un esprit de dialogue». Pour la juge, la Convention internationale sur les droits de l’enfant, entrée en vigueur pour la Suisse en 1997, impose aujourd’hui beaucoup plus qu’auparavant de se demander où se situe réellement l’intérêt prépondérant de l’enfant lorsque ses parents veulent le dispenser des cours de natation. Cette discipline, qui fait partie de l’enseignement obligatoire dans de nombreux cantons, ne peut plus guère non plus être considérée comme un enseignement de second ordre comme le faisait le jugement de 1993, estime la juge fédérale, eu égard en particulier à la prévention des accidents.

Entre genou et nombril

Il faut en outre relativiser la portée concrète du précepte invoqué par le père des deux garçons, a-t-elle observé, dans la mesure où il est impossible de les soustraire entièrement, dans une société occidentale, à la vision chez autrui de parties du corps situées «en dessous du nombril et au-dessus du genou», dans la rue, le préau ou à la télévision.

Aucun des deux juges mis en minorité – le président de la Cour, Thomas Merkli, et le Zurichois Peter Karlen – n’a soutenu que la dispense devait être accordée sans autre forme de procès. Ils ont chacun proposé que la cause soit renvoyée aux autorités schaffhousoises afin qu’elles vérifient des points de fait. Avec de notables différences pourtant: pour le juge Merkli, le sort définitif du recours devait dépendre de la question de savoir si les deux garçons avaient appris à nager correctement en dehors de l’école. Pour le juge Karlen au contraire, il fallait exiger des autorités cantonales qu’elles documentent de manière beaucoup plus précise les difficultés d’intégration des minorités qu’elles invoquaient pour se délier de la jurisprudence de 1993.

La nouvelle pratique du Tribunal fédéral va permettre aux cantons qui le souhaitent de resserrer considérablement la vis des dispenses pour motifs religieux, à l’instar de Schaffhouse et, avant lui, de Saint-Gall. Mais la décision de vendredi ne contraint pas ceux qui avaient des pratiques plus libérales, notamment en Suisse romande, à les abandonner.

Source: Le Temps (Suisse)

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