(Courrier International)– Au Bangladesh, en dépit de lois édictées depuis 2002, les femmes sont toujours victimes d’agressions violentes et d’une discrimination contre leur sexe, explique The Daily Star, à Dacca. (Courrier international)
Un rapport publié récemment par les réseaux d’information régionaux attire à nouveau l’attention sur un problème que les médias négligent depuis quelque temps : les vitriolages et l’incapacité des autorités à les enrayer. Si le nombre de violences de ce type a considérablement baissé depuis quelques années, ce fléau est loin d’avoir disparu.
Selon le rapport, l’acide sulfurique et l’acide nitrique se vendent sans le moindre contrôle, et ce malgré les mesures prises par le gouvernement pour en encadrer la vente, et malgré l’existence d’un mécanisme de surveillance. En 2002, le Parlement a pris des mesures contre le vitriolage, définies dans l’Acid Control Act. Désormais, la production, l’importation, le transport, le stockage, la vente et l’utilisation d’acide sans autorisation sont punis d’une peine de trois à dix ans d’emprisonnement. Les détenteurs de produits chimiques et de matériel permettant la production non autorisée d’acide sont passibles de la même sanction. Mais l’acide est très utilisé en bijouterie pour fondre l’or et d’autres métaux, et aucune surveillance efficace ne contrôle l’utilisation et la vente de ces substances.
C’est l’éternel problème des lois, en particulier des lois sur les femmes : adoptées au niveau gouvernemental, elles n’entrent jamais pleinement en vigueur faute d’instruments pour les appliquer. Récemment, une femme qui déposait plainte pour viol s’est vue demander par le policier de décrire précisément le déroulement de l’agression. La police est si insensible aux tourments des victimes de viol et autres agressions contre les femmes que ces dernières préfèrent souvent retirer leur plainte.
Le mois dernier, cela a fait sept ans que Simi Banu [une jeune Bangladaise étudiante en beaux-arts qui s’est suicidée en décembre 2001] a disparu. Sa mort fut en réalité le résultat du harcèlement de truands locaux et du mépris de voisins bien-pensants, ainsi que de l’échec d’une force publique indifférente. Son cas rappelle le besoin urgent de voir évoluer l’appareil d’Etat dans son traitement des crimes contre les femmes.
« Il existe de nombreuses lois protégeant les femmes, mais elles ne sont pas correctement appliquées », estime Salma Khan, présidente de Women for Women, une ONG de défense des femmes du Bangladesh. « Les mécanismes de répression sont malheureusement insuffisants et parfois inaccessibles aux victimes. Il est primordial de sensibiliser la police à ces questions. »
Car, parallèlement, de nombreuses lois continuent de discriminer les femmes. Ainsi, la loi ne permet pas à une Bangladaise de transmettre sa nationalité à son mari étranger, tandis que tout Bangladais épousant une étrangère lui transmet automatiquement la nationalité. La loi musulmane [85 % des Bangladais sont musulmans] continue d’autoriser la polygamie « sous réserve d’autorisation écrite préalable » de la première épouse. Alors qu’une femme ne peut demander le divorce que si son époux lui en a donné l’autorisation dans le certificat de mariage, le mari peut librement divorcer de son épouse quand bon lui semble. En vertu du droit musulman, l’homme est toujours le tuteur légal de l’enfant, la mère ne jouissant que d’une « garde temporaire » jusqu’à ce que l’enfant atteigne un âge donné (variable selon le sexe). Elle n’a autorité ni sur l’enfant ni sur ses biens.
Pour la première fois dans notre pays, les postes de ministre de l’Intérieur et de ministre des Affaires étrangères sont occupés par des femmes. Il faut saluer la décision de ce gouvernement d’offrir des postes éminents à des femmes qui le méritent. Le gouvernement bangladais a aujourd’hui une occasion rêvée pour réformer les lois discriminatoires à l’égard des femmes et modifier les mécanismes judiciaires de réparation envers les victimes de violences sexistes.
Repères
Au Bangladesh, les femmes hindoues sont aussi vulnérables que les musulmanes. Les droits et devoirs des hindous [de 10 à 13 % de la population] sont définis par les principes du droit hindouiste. Or, si ces lois ont été modernisées en Inde, ce n’est pas le cas au Bangladesh, où le gouvernement est soucieux de ne pas heurter la minorité hindoue. Ainsi, une femme hindoue ne peut demander le divorce.
« Le gouvernement actuel est bien placé pour modifier la législation », observe Salma Khan, de l’ONG Women for Women. « La plupart des politiciens ont eu peur de s’atteler aux questions touchant des minorités. Alors que, en Inde, le droit hindouiste instaure une égalité quasi parfaite entre hommes et femmes : en Inde, une hindoue a le droit de divorcer et reçoit le même héritage qu’un homme. »
Au Bangladesh, l’arrivée en politique de nombreuses femmes, dont quatre sont même entrées au gouvernement en janvier, suscite beaucoup d’espoirs. Parmi les demandes les plus pressantes, la réforme du droit de succession, jusqu’à présent très défavorable aux femmes.
Hana Shams Ahmed Courrier international
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