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Terrorisme, Islam et communication

Mondediplo_1.jpg Le Counter Terrorism Communication Center, un centre officiel américain, a publié un document en date du 14 mars 2008 Words that Work and Words that Don’t : A Guide for Counterterrorism Communication qui fixe de nouvelles règles dans l’utilisation des mots. Cette nouvelle communication voudrait dissocier terrorisme, Al-Qaida et Islam. En voici quelques extraits :

« Ne pas invoquer l’Islam : bien que le réseau Al-Qaida utilise les sentiments religieux et essaie de tirer parti de la religion pour justifier ses actions, nous devrions le traiter (Al-Qaida) comme une organisation politique illégitime, à la fois terroriste et illégitime ».

« Ne pas toujours parler de l’identité musulmane : éviter de désigner chaque chose comme « musulmane ». Cela renforce le schéma « les USA contre l’islam » que Al-Qaida promeut. Soyons plus précis (égyptien, pakistanais) et plus descriptifs (la jeunesse de l’Asie du sud, les leaders de l’opinion arabe) chaque fois que c’est possible ».(…)

« Eviter les terminologies floues et insultantes : nous communiquons avec le public, nous ne voulons pas une confrontation avec lui. Ne l’insultons pas et n’ajoutons pas à la confusion en utilisant des termes comme « islamo-fascisme« qui sont considérés comme insultants par beaucoup de musulmans ». (…)

« Eviter le terme de califat pour décrire le but d’Al-Qaida et des groupes associés, car ce terme a une connotation positive pour les musulmans. La meilleure description de ce qu’ils veulent réellement est « un Etat global totalitaire ». Ne jamais utiliser les termes de « djihadistes » ou de « moudjahidin » pour décrire les terroristes. Un moudjahid, un guerrier saint, est une caractérisation positive dans le contexte d’une guerre juste. En arabe, djihad signifie « faire des efforts pour s’engager dans le chemin de Dieu » ; le terme est utilisé dans beaucoup d’autres contextes que celui de la guerre. Appeler nos ennemis djihadistes et parler d’un djihad mondial légitime involontairement leurs actions. »

(Remarque : il est intéressant de noter que l’un des changements introduits par Nicolas Sarkozy dans le discours de politique étrangère est justement l’utilisation de ce terme de califat. Lors de son premier grand discours de politique étrangère, devant les ambassadeurs, le 27 août 2007, il déclarait : « Premier défi, sans doute l’un des plus importants : comment prévenir une confrontation entre l’Islam et l’Occident. Ce n’est pas la peine d’employer la langue de bois : cette confrontation est voulue par les groupes extrémistes tels qu’Al Qaeda qui rêvent d’instaurer, de l’Indonésie au Nigéria, un khalifat rejetant toute ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité. Si ces forces devaient atteindre leur sinistre objectif, nul doute que le XXIe siècle serait pire encore que le précédent, pourtant marqué par un affrontement sans merci entre les idéologies. »)

Revenons au document américain :

« Eviter les négations comme « nous ne sommes pas en guerre contre l’Islam ». Malheureusement, les études montrent que les gens ont tendance à oublier la négation. Ainsi quand vous dites, par exemple, « nous ne haïssons pas l’Islam », les mots dont les gens se souviennent sont « haine » et « eux ». » (…)

Ce document officiel a été révélé par Steven Emerson, qui travaille pour le Investigative Project on Terrorism, dans un article du 2 mai 2008, « Investigative Project Releases Gov’t Memos Curtailing Speech in War on Terror ». Steven Emerson est un « spécialiste » du terrorisme qui s’est rendu célèbre en attribuant l’attentat d’Oklahoma City, du 19 avril 1995 (168 morts) au terrorisme islamique (alors qu’il avait été commis par un homme proche de l’extrême droite américaine).

On ne s’étonnera donc pas que dans son texte il critique vivement cette nouvelle directive officielle qui demande d’adoucir le langage utilisé par les responsables américains.

« Ainsi, on demande à l’Amérique, après avoir été pendant deux siècle le sanctuaire des masses qui aspiraient à respirer librement, de réduire la liberté contre les fanatiques qui sont résolus à imposer un Etat religieux mondial. Le mémo (celui qui est cité au début de cet envoi du blog) ne donne aucun exemple dans lequel l’Islam et la démocratie laïque (secular) se sont renforcés l’un l’autre, ou d’expliquer comme la charia, l’imposition de la religion dans les affaires de l’Etat est « pleinement compatible » avec la démocratie laïque (secular). »

Un article du 7 mai de Shaun Waterman, publié par le Washington Times, « U.S. aims to unlink Islamic, terrorism », revient sur le changement de stratégie de communication l’administration américaine.

Alain Gresh: Le Monde diplomatique

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