(AFP) -Plus de 150 journalistes soudanais ont entamé mardi une grève de la faim et trois quotidiens indépendants ont décidé de suspendre temporairement leur parution pour protester contre la censure draconienne au Soudan.
« Nous allons arrêter (de paraître) pour trois jours pour commencer. Et nous entamons une grève de la faim d’au moins 24 heures », a déclaré Salah Ahmed Alkagam, le président du comité des directeurs du quotidien Ajras al-Horriya.
Deux autres quotidiens, Al-Maidane et Raï el-Chaab, ont également décidé de cesser le travail, affirmant ne plus accepter l’ingérence du gouvernement dans leur contenu.
« Nous allons protester contre cette pratique déplorable (qui va) contre les libertés. Nous voulons juste nos droits constitutionnels », a ajouté M. Alkagam.
D’après lui, 95 employés de Ajras al-Horriya, 40 de Raï al-Chaab et 22 de Al-Maidane ainsi que des journalistes d’autres publications ont commencé à jeûner.
Selon deux autres journalistes, 250 Ã 300 personnes refusent de s’alimenter.
La Constitution provisoire soudanaise garantit les libertés de la presse et d’expression. Mais la censure est pratiquement quotidienne, et des officiers du puissant appareil de sécurité soudanais contrôlent les éditions de chaque journal tous les soirs.
Les rédacteurs en chef refusant de retirer les articles incriminés risquent une interdiction pure et simple de parution ou un retrait des kiosques de leur journal.
Les journalistes affirment que des articles sont quotidiennement censurés, en particulier ceux qui traitent du conflit au Darfour (ouest), de la corruption, des droits de l’Homme et des accusations lancées par le procureur de la CPI contre le président Omar el-Béchir.
La grève de la faim a aussi été lancée pour protester contre les fréquentes interpellations de journalistes.
Dimanche, un journaliste du quotidien pro-gouvernemental Al-Intibaha a été arrêté après la publication d’un article sur une mystérieuse fièvre qui se serait déclarée dans l’Etat du Kordofan-ouest, ont affirmé ses collègues et son épouse.
Nour Ahmed a déclaré à l’AFP que son mari, Salah Bab Alah, et son rédacteur en chef avaient été arrêtés. Ce dernier a été relâché depuis, mais M. Bab Alah est toujours détenu.
M. Alkagam a affirmé que son journal avait été contraint de suspendre plus de 20 fois sa parution depuis son lancement le 7 avril en raison de la censure, appelant l’Union européenne et l’ONU à aider au financement de la publication.
Les anciens rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) possèdent près de 30% du quotidien, mais ce dernier ouvre ses pages à plusieurs points de vue.
Edward Lino, le responsable du SPLM dans la région pétrolifère disputée d’Abyei, a apporté son soutien à l’initiative des journalistes après avoir vu l’une de ses interviews censurées.
M. Lino a dit craindre que la censure n’affecte le résultat des élections nationales devant se tenir avant juillet 2009.
« Cela affectera la manière dont les gens vont faire campagne (…) et la manière dont les résultats vont sortir », a-t-il dit à des journalistes.
Le Soudan compte une trentaine de quotidiens indépendants, selon Reporters sans frontières (RSF).
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