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Mosquée academy au Royaume-Uni

La bande-annonce défile au son d’une musique orientale syncopée. A l’écran dômes et minarets se suivent et s’entremêlent, découvrant les silhouettes ciselées de huit mosquées. Depuis le 29 septembre, celles-là sont en compétition pour remporter le titre de «mosquée modèle 2007» au Royaume-Uni. Lancée par la chaîne britannique Islam Channel, cette nouvelle émission a l’odeur aguichante de la télé-réalité. Ici aussi, on élit d’heureux candidats qui, une fois propulsés à l’écran, doivent défendre leurs couleurs avant d’être éliminés ou sauvés par le public. Sauf que, sur le plateau dépouillé d’Islam Channel, on ne pousse pas la chansonnette, pas plus qu’on exhibe sa vie en temps réel. Non, on vient plutôt, en costume sombre ou robe traditionnelle, vanter les qualités de sa mosquée et de ses services.

L’idée a germé dans le cerveau d’un bénévole d’Islam Channel, frappé des disparités entre les 1500 mosquées du royaume. Quand certaines semblaient figées en des temps archaïques, d’autres prêchaient les vertus de l’ouverture. Pour Islam Channel, il était donc temps de faire le tri et d’ériger quelques bons élèves en exemple. «Les médias ont tendance à décrire les mosquées comme des lieux de recrutement pour les futurs terroristes. C’était le moment de faire entendre notre voix et de rétablir la vérité», explique Mohammed Ali, président d’Islam Channel. Alors la chaîne a envoyé des questionnaires. Au-delà du devoir religieux rempli par tous, ce sont les services à la communauté qui ont fait la différence. «Une mosquée, c’est des millions de livres de dons issus de la communauté. Si elle se contente de livrer un imam et un espace pour les prières, c’est de l’argent gâché !», assure Mohammed Ali.

Cours de karaté. Pour gagner des points, mieux valait être hétéroclite et moderne. Les institutions élues dispensent des cours d’informatique ou offrent des formations de boucher halal. Ailleurs, c’est l’espace consacré aux femmes ou les cours de karaté aux plus jeunes qui ont retenu l’attention du jury. Applaudies enfin, les journées portes ouvertes pour la population du quartier, musulmane ou non. Au terme de l’examen, quatre institutions londoniennes et quatre autres érigées à Glasgow, Manchester, Bradford et Birmingham ont été désignées meilleures élèves. Samedi, jour du quart de finale, elles s’affronteront en duels avant de voir éliminées quatre d’entre elles, via un vote du public. Au terme de deux tours supplémentaires, la mosquée gagnante se verra attribuer le rôle principal d’un documentaire télévisé et un joli chèque de 35 000 livres (50 000 euros) qui devra être employé à l’amélioration de ses services. «Toutes les mosquées entrées dans la compétition sont déjà gagnantes», souligne Mohammed Ali. Parce qu’elles encaissent la somme rapportée par les coups de fil et les SMS de leurs supporters. Parce qu’elles ont gagné, enfin, l’occasion d’apprendre de leurs concurrents. «Lors de l’émission, j’ai découvert qu’une autre mosquée organisait des cours d’informatique. J’ai trouvé que c’était une excellente idée. Les cours commenceront ici le 27 octobre», souligne Mohammed Sadeeq, président d’une des institutions candidates.

Dans sa mosquée de Cricklewood, au nord-ouest de Londres, un petit écriteau désigne une salle au premier étage. Une à deux fois par mois un docteur et le député local y tiennent une permanence. Régulièrement aussi, un juriste et des policiers viennent dispenser leurs conseils. «Les gens n’ont pas toujours le temps d’aller chez leur médecin ou ne savent pas qu’ils ont le droit à des conseils légaux. Ici, ils peuvent avoir une consultation gratuite et ne pas manquer pour autant la prière.» Pour le maître des lieux, pas de doute : en mettant en avant de telles initiatives, l’émission diffuse un message essentiel. «Elle permet aux Britanniques de réaliser que les mosquées ne servent pas seulement à prier ou à enseigner le Coran. Qu’elles ont aussi un rôle à jouer dans la communauté et qu’ils peuvent en bénéficier.»

Dialogue. A quelques encâblures de là, dans le bureau d’une mosquée concurrente, on souligne que le show télévisé a réouvert un dialogue souvent rompu entre les institutions sœurs. «Nous venons d’horizons, de cultures, de pays très différents. Il y a des mosquées réservées aux Bangladais, d’autres aux Indiens ou aux Africains. Souvent, nous ne parlons souvent pas la même langue. Du coup, nous échangeons peu ou pas, souligne Abdool Alli, administrateur de la mosquée d’Haringey. Islam Channel a mis en place d’excellentes fondations pour bâtir des rapports futurs.»

Libération, 25/102007

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