L’idée ne sera peut-être pas reprise par Julie Snyder, mais la chaîne de télé britannique Islam Channel présente un étonnant concours intitulé «Mosquée modèle» sur le même principe que Star académie. Que la meilleure mosquée gagne, Inch’Allah!
Abdool Alli ne le montre pas, mais il est fier. Sa mosquée, celle qu’il a fondée il y a près de 25 ans dans le nord-est de Londres, a été sélectionnée parmi les huit meilleures du Royaume-Uni par le concours télévisé Model Mosque 2007. ieux, après avoir «battu» une mosquée de Manchester en quart de finale, la mosquée d’Harringey compte désormais parmi les quatre finalistes. Qu’est-ce qu’elle possède de plus que les autres?«Je ne sais pas», commence par répondre modestement le directeur de l’institution. Forcé d’en dire davantage, Abdool Alli souligne que sa mosquée «est plus ouverte et libérale» que la moyenne et «Les femmes sont parties prenantes de ce qui se passe dans cette mosquée, poursuit-il avec son accent chantant des Caraïbes. Elles siègent au comité exécutif.»
Transparence, ouverture, place accordée aux femmes: tous ces points figurent parmi les critères de l’émission. Chaque deux semaines depuis la fin septembre, des représentants de deux mosquées «s’affrontent» sur le plateau et défendent les couleurs de leur institution.
Certes moins glamour que Star académie – les djellabas traditionnelles remplacent les robes à paillettes -, Model Mosque n’en reprend pas moins le même principe. À la fin de chaque émission, l’animateur aux cheveux savamment décoiffés invite les téléspectateurs à voter pour leur mosquée préférée par téléphone ou messagerie texte.
L’idée de ce Star académie hallal a germé dans l’esprit d’Abrar Hussain il y a un an et demi.
«J’ai eu une très mauvaise expérience à ma mosquée de quartier», explique l’animateur. Les enfants y étaient interdits lors des prières, la gestion était opaque et l’ambiance glauque. «J’ai vraiment été dégoûté par ce que j’ai vu dans cette mosquée. C’est pourquoi je me suis moi-même mis à chercher une meilleure mosquée», poursuit l’homme de 29 ans.
Curieux, il a ensuite interrogé ses amis et sa famille sur la qualité de leurs lieux de prière. «J’ai découvert d’énormes disparités dans les normes et les facilités des différentes mosquées», précise-t-il.
Alors que certaines des 1500 mosquées du pays offrent une multitude de services et tentent d’améliorer les relations entre les communautés, d’autres sont repliées sur elles-mêmes et n’offrent guère plus qu’une salle de prière en piteux état.
Après avoir élaboré le concept de l’émission, Abrar Hussain a contacté Islam Channel. La chaîne de télévision londonienne a immédiatement aimé l’idée. Elle permettait de prêcher par l’exemple, d’encourager les mosquées à faire plus pour leurs fidèles, tout en combattant les préjugés.
«Les médias ont tendance à décrire les mosquées comme des lieux de recrutement pour les futurs terroristes. C’était le moment de faire entendre notre voix et de rétablir la vérité», explique Mohammed Ali, directeur de la chaîne de télévision.
Abrar Hussain a donc envoyé des questionnaires à environ 1000 mosquées. Plus de 450 ont répondu. Il en a retenu huit. Seules les mosquées financées localement étaient admissibles.
«Le but de la compétition n’est pas de récompenser les mosquées qui ont le plus d’argent, ou qui ont la plus belle architecture, précise-t-il. Notre émission consiste à reconnaître et à récompenser les mosquées de quartier et les communautés qui les ont bâties.»
Plus une mosquée offrait de services et faisait preuve d’ouverture, plus elle avait de chances d’être sélectionnée. La mosquée d’Harringey est, selon l’animateur, un très bel exemple. Son fondateur, Abdool Alli, a commencé par inviter des amis à prier chez lui au début des années 80. Puis, ensemble, ils se sont mis à faire des campagnes de financement en multipliant les barbecues. En 1985, ils ont acheté un premier bâtiment, avant de construire une vraie mosquée en 1998.
Aujourd’hui, cette mosquée accueille plusieurs centaines de fidèles par semaine, possède une bibliothèque, offre des cours d’aérobie pour les femmes et des classes d’arts martiaux pour les jeunes.
«Il y a aussi des journées portes ouvertes qui sont organisées», souligne avec enthousiasme Azim Mohamed, un fidèle de l’institution.
Alors qu’une récente étude dévoilait qu’un quart des mosquées du Royaume-Uni offrent encore des publications ayant des vues radicales, celle d’Harringey oeuvre pour l’harmonie entre les communautés. Dans le petit bureau à l’entrée de la mosquée, Abdool Alli a d’ailleurs accroché plusieurs certificats qui lui ont été décernés pour sa contribution à l’amélioration de la vie de quartier.
Bien que sa mosquée propose déjà nombre de services, l’homme aux cheveux gris souhaiterait en faire encore davantage. Au second étage du bâtiment, il a prévu une salle informatique pour donner des cours. Le problème? «Nous n’avons pas encore l’argent pour acheter les ordinateurs», explique-t-il.
Les 70 000$ remis à la mosquée gagnante du concours Model Mosque, à la fin novembre, tomberaient à pic. «Vous n’oublierez pas de voter pour nous, hein?» lance-t-il en m’accompagnant jusqu’à la sortie.
La Presse (CA) 09/11/2007
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