Dans une brillante intervention, M. Mustapha Chérif, spécialiste du dialogue des civilisations, a d’emblée, affirmé que Jacques Berque, à travers son œuvre et sa pensée sur le Maghreb, la Méditerranée et le Monde arabe, manque actuellement à la civilisation orientale. C’est, dit-il, un spécialiste du dialogue des civilisations et des cultures et un auteur pas comme les autres. Cet homme hors du commun a écrit, pendant cinquante années, quelque cinquante ouvrages, tous consacrés à la vie des Arabes, des Berbères, à l’islam ainsi qu’à la rive sud de la Méditerranée. «Il est donc le savant qui nous a connu le mieux.
Il nous a étudié pendant une cinquantaine d’années, notamment, sur les plans sociologique et ethnique, en se consacrant aux fondements et critères de la société arabo-berbère puis à l’arabité et l’islamité, où il a traduit, pendant plus de quinze années, le Saint Coran», a renchéri le conférencier. Cet illustre homme qui se plaisait à affirmer qu’il n’avait pas besoin d’être musulman pour connaître et aimer l’islam avait comme références deux modèles, en l’occurrence, le fondateur de la sociologie Ibn Khaldoun et le fondateur de l’Etat algérien l’Emir Abdelkader. «Il savait déjà que la seule solution permettant aux civilisations d’aller du spécifique vers l’universel, était le dialogue et l’écoute de l’autre, mais pas seulement dans un sens unique» ajoutera M. Cherif. Ce dernier a évoqué, également, les raisons qui l’ont incité à éditer son nouvel ouvrage, intitulé «Jacques Berque, entre le Maghreb et le Machrek». C’était un savant pluridisciplinaire, il réfléchissait en dehors de toute subjectivité et il a toujours appelé au renouveau en ayant un regard critique sur les autres comme sur nous-mêmes». En guise de conclusion, le conférencier, a indiqué que la pensée de Berque écartait l’idée d’incompatibilité entre l’authenticité et la modernité, et proposait, entre autres, au monde arabe «de rattraper son retard en matière d’acquisition et de maîtrise technologiques dans tous les domaines, tout en demeurant soi-même».
Pour rappel, Jacques Berque, né à Frenda (Algérie) le 4 juin 1910 et mort à Saint-Julien-en-Born (Landes) le 27 juin 1995, est un sociologue orientaliste français. Il est titulaire de la chaire d’histoire sociale de l’Islam contemporain au Collège de France de 1956 à 1981 et membre de l’Académie de langue arabe du Caire en 1989. Il est l’auteur de nombreuses traductions, dont celle du Coran et de Mémoires des deux rives, appréciées notamment pour la qualité de leur style. Il décrit l’utopie d’une «Andalousie», c’est-à -dire d’un monde arabe renouvelé, retrouvant à la fois ses racines classiques et sa capacité de faire preuve de tolérance et d’ouverture.
La Nouvelle République (ALG) 06/11/2007
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