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Minarets suisses : un projet de  » votation  » qui fait du bruit !

Un projet de votation (référendum d’initiative populaire), émanant de partis de la droite conservatrice, visant à interdire la construction de minarets, vient d’être soumis à l’approbation des citoyens. Pour être soumis au vote, il doit recueillir les signatures de 100 000 citoyens avant le 1er novembre 2008. Examinons les faits :

L’idée d’une interdiction générale des minarets en Suisse fait suite à des polémiques consécutives à plusieurs projets de construction dont ceux de Wangen, dans le canton de Soleure, de Langenthal, dans le canton de Berne et de Will, dans le canton de Saint-Gall. Deux partis suisses sont à l’origine de ce projet, l’UDC (conservateur libéral et souverainiste) et l’UDF (conservateur chrétien ). Coprésident du comité d’initiative référendaire, le député UDC Ulrich Schüller déclare : « Les minarets n’ont rien à voir avec la religion, ils ne sont pas mentionnés dans le Coran (…) , ils symbolisent simplement un endroit où la loi islamique est établie. » Il a également déclaré que ce sont « des constructions islamiques ayant une connotation impérialiste » et réclamé un moratoire avant la votation . Enfin il déclare:  » Personne à l’UDC n’est contre les musulmans. Je pense que tous les musulmans de Suisse sont libres de vivre ici. Mais ils doivent respecter le fait que nous avons des lois occidentales libérales et que celles-ci sont valables pour quiconque veut vivre ici. » Le député UDF Christian Waber déclare quant à lui que « toutes les religions peuvent être pratiquées en Suisse, y compris l’islam ». Comme on pouvait s’y attendre des voix se sont élevées contre ce projet référendaire : Madame la Cheffe Micheline Calmy Rey (Parti socialiste), présidente de la Confédération helvétique et ministre des Affaires étrangères, a déclaré que cette campagne « met la sécurité des Suisses en danger ». Elle s’est élevée contre toute « loi d’exception ». Elle s’est également interrogée sur la compatibilité d’une telle mesure avec la Constitution suisse (il semble qu’une initiative référendaire soit soumise en Suisse à un examen de constitutionnalité avant d’être soumis au vote des citoyens). L’ancien juge fédéral Giusep Nay confirme la chose, en rappelant : « Une initiative doit être applicable pour être soumise au suffrage du peuple ». Selon les évêques suisses, la construction de minarets peut être autorisée à condition que la paix religieuse ne soit pas menacée et que la législation soit respectée. Le président de la ligue des musulmans de Suisse ( NB : selon les statistiques , la Suisse aurait 311 000 habitants musulmans sur une population totale de 7 500 000 ), Adel Méjri, s’est dit  » choqué « . il ajoute que  » la manière agressive – je dirais presque islamophobe  » dont la question des minarets est traitée pourrait avoir des conséquences imprévisibles. » On note également des réactions dans le monde arabe . Le site internet de la chaîne Al-Jezira vitupère contre  » le projet d’interdiction des mosquées  » (NB : en fait seuls les minarets sont concernés par cette initiative référendaire) et parle de « déclaration de guerre » ! Quels enseignements peut-on tirer de cette exotique anecdote hélvétique ? On est évidemment frappé par l’image mentale à la fois surréaliste, cocasse et incongrue qui vient à l’esprit quand on évoque l’idée de minarets suisses. On, imagine un paysage alpestre dans lequel de paisibles vaches suisses, arborant leur clochette autour du cou, broutent l’herbe tendre d’une verdoyante prairie de montagne. Dans la quiétude vespérale, le tintement bucolique et si reposant de ces clochettes se retrouve brusquemment mêlé a la clameur de l’appel à la prière du soir, scandé en langue arabe par un muezzin muni d’un mégaphone du haut de son minaret, le tout sous les yeux éberlués de touristes japonais contemplant la scène de la fenêtre d’un wagon de train à crémaillère arrivant cahin-caha à la gare de ce petit village montagnard … On comprend que des citoyens suisses soient déstabilisés par une telle perspective ! Nous autres Français serions d’ailleurs fort mal placés pour ironiser sur nos amis les Helvètes, et pour critiquer une idée référendaire que quelques bien-pensants droit-de-l’hommistes d’une certaine gauche-caviar n’hésiteraient probablement pas à qualifier de « raciste » voire de « fasciste » ou « d ‘attentatoire à la liberté ». En effet la France a été confrontée il n’y a pas si longtemps exactement au même problème : On se souvient en effet que, à Castellane , la religion aumiste du Mandarom avait édifié , dans un site pittoresque du sud des Alpe , une statue géante de son prophète ou plutôt de Sa Sainteté le Seigneur Hansah Manarah et messie cosmo-planétaire , j’ai bien sûr nommé feu Gilbert Bourdin ! L’affaire s’était terminée devant les tribunaux, et après quelques (trop longues) années de procédure, cette verrue glyptique et monstruosité architecturale avait finalement été livrée aux foudres des dynamiteurs ! Il n’y avait eu à l’époque aucune protestation de qui que ce soit, y compris de la gauche  » politiquement correcte  » susmentionnée. Les seuls à s’être élevés contre cette démolition étaient bien entendu les adeptes de cette religion aumiste, qui se qualifiaient eux-mêmes de  » Chevaliers du Lotus d’or  » ! ( sic). Il faut noter qu’il n’y avait pas eu besoin d’un référendum sur l’illégalité des statues géantes de prophètes de religions pour résoudre ce problème… J’entends immédiatement des protestations et objections :  » Mais vous n’allez quand même pas comparer la religion aumiste du Mandarom avec la religion musulmane, et le prophète Mahomet au prophète et messie cosmo-planétaire Gilbert Bourdin ? ». Eh bien pourtant il n’y aucune raison objective de prendre plus au sérieux les élucubrations (ou prédications ou écrits sacrés, comme on voudra) d’un de ces prophètes que celles de l’autre, ou celles de Claude Vorilhon , prophète de la religion raëlienne , ou celles de n’importe quel autre inventeur de religion, passée, présente ou future ! Rien n’indique à l’esprit rationnel que l’une de ces religions serait  » plus vraie  » que les autres . Il convient de mettre le doigt sur ce que je qualifierait de « Grande Hypocrisie ». Madame la cheffe Micheline Calmy Rey croit défendre la liberté religieuse, et, apparemment, c’est tout à son honneur. Néanmoins, je ne suis pas pas sûr qu’elle ne changerait pas d’avis si le minaret devait se trouver devant les fenêtres de sa résidence de fonction à Berne, et qu’elle se retrouvait avec les psalmodies du muezzin en guise de réveil-matin. Bien évidemment ce minaret a plus de chance de se retrouver dans une zone péri-urbaine défavorisée dans laquelle la Cheffe, toute socialiste qu’elle soit, ne met probablement jamais (ou très rarement) les pieds… De même il est possible que parmi les plaignants anti mégaglyptique bourdinienne se trouvaient des bo-bos dont cette structure gâchait le lieu de villégiature , bo-bos qui , si une décision judiciaire analogue s’appliquait à d’autres religions, crieraient au fascisme ! J’ignore si madame la cheffe Calmy Rey est mère de famille, mais dans cette hypothèse j’aimerais voir sa tête si son fils lui présentait comme fiancée une musulmane voilée, ou pire en abaya saoudienne, comme on en voit de plus en plus ! Ou si sa fille lui amenait un futur gendre en tenue islamiste intégrale… Nul doute que sa conception de la liberté religieuse se rétrécirait rapidement et qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour faire capoter subrepticement ces projets matrimoniaux, tout en faisant semblant d’accueillir chaleureusement, selon les règles du politiquement correct, ces futures  » pièces rapportées  » ! Il en serait d’ailleurs de même pour ces députés de la droite française ( Eric Raoult et Jean-Marc Roubault ) qui avaient tenté dernièrement, heureusement sans succès, de rétablir le délit de blasphème .. Tout ceci pose enfin le problème des limites que la société peut apporter à la liberté religieuse. De même qu’une vitesse incontrôlée des voitures entraîne des tragédies routières, une liberté incontrôlée des religions aboutit à des catastrophes sociales ( immixion de la religion dans les affaires politiques, comme aux USA, prise de pouvoir par des religions comme en Iran, Sainte Inquisition, Saint Barthélémy , 11-Septembre 2001 et j’en passe). Tous ces responsables politiques qui adoptent une posture libérale sont au fond persuadés qu’une expansion excessive de l’islam est un danger pour la société , savent bien que là ou l’islam passe, la liberté trépasse (encore plus pour les femmes), et qu’aucun pays musulman au monde n’est réellement une démocratie. Néanmoins, ces responsables politiques gardent cette posture par peur du qu’en-dira t-on (sachant bien qu’ils seraient taxés de racisme dans le cas contraire !). Cette méfiance est évidemment valable pour d’autres « nouvelles » religions (scientologie , nouvelles églises protestantes , témoins de Jéhovah etc …). Plusieurs attitudes politiques ont été essayées dans les pays démocratiques : – L’ultralibéralisme à l’anglo-saxonne (dont Sarkozy est un partisan) : aucune limitation de liberté pour les religions, lesquelles sont soumises à la règle de la concurrence libre et non faussée, et sont cyniquement soutenues par des éxonérations fiscales, selon le principe que la peur d’un châtiment éternel cruel et douloureux dans une éventuelle vie post mortem est beaucoup plus efficace à prévenir les crimes et délits que la peur du gendarme, et coûte moins cher à l’Etat . Cette politique est un échec : immixion massive de la religion au sommet de l’Etat (conseil des ministres précédé de prières), communautarisme, obscurantisme dans le système scolaire, religions devenant folles ( » Jesus camp », Waco ou 11-Septembre). – L’angélisme naïf à la canadienne : les religions et cultures minoritaires doivent être protégées comme de fragiles plantes dans un jardin afin de survivre dans de bonnes conditions, les citoyens qui en sont les adeptes bénéficient d’accomodements « raisonnables » et de droits et protections spéciaux. Là encore, cette politique est un échec. Les accomodements raisonnables deviennent rapidement « déraisonnables » ( poignards sikhs à l’école, chariah ayant failli être appliquée dans l’Ontario), absence d’assimilation des étrangers au reste de la populatio , expansion de religions qui autrement auraient disparu spontanément, communautarisme. – La méthode française, fondée sur une longue histoire de domination de la religion sur l’Etat et de guerres de religions. Ses principes de base sont simples : « plus jamais ça ! « , « on peut croire ce que l’on veut à condition de ne pas troubler l’ordre public ni demander des règlements spéciaux » et enfin « lorsque les lois de la République et les réglements religieux se contredisent, ce sont les lois de la République qui s’appliquent ». Cette méthode française se base sur un riche arsenal législatif, permettant de mettre un parcours d’obstacle à toutes vélléités d’expansionisme d’une religion : laïcité, codifiée par la loi de 1905 bien sûr, arsenal législatif qui s’enrichit en fonction des nécéssités sociales (loi sur les signes religieux à l’école, réglement sur le comportement des patients vis-à-vis du personnel hospitalier, MIVILUDES, loi sur les manipulations mentales, accessoirement peuvent être aussi utilisées les lois sur les règlements d’urbanisme, la sécurité des locaux, la protection des mineurs et le droit à une instruction minimale standardisée). Actuellement, ce système semble le meilleur du monde et fonctionne depuis un siècle à la satisfaction de tous, même s’il est constamment menacé. – Le nouveau système suisse (référendums permettant aux citoyens suisses eux-même de décider des éventuelles limites souhaitables aux libertés religieuses) paraît un système particulièrement innovant et démocratique , dont il faut attendre de voir à long terme quels en seront les résultats, avant de le juger.

Cet article a été rédigé par un reporter d’AgoraVox,

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