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Les chiites, le nouvel ennemi

Alain GreshPar Alain Gresh

Stupéfait, le monde a découvert après le 11-Septembre que les « combattants de la liberté » afghans, célébrés par le président Ronald Reagan pour leur résistance à l’empire du Mal (soviétique), avaient une vision très originale de la « liberté ». Al-Qaida est né de cet aveuglement américain. Vingt ans plus tard, Washington a-t-il tiré les leçons de ce « fourvoiement » ? Non, si l’on en croit les informations données par le célèbre journaliste américain Seymour Hersh : les Etats-Unis ont mis sur pied une coalition de pays arabes sunnites modérés dans le but d’aider tous les mouvements anti-iraniens et antichiites – y compris les plus « radicaux » (1).

Cas d’école, le Liban, où le gouvernement de M. Fouad Siniora fait face à une opposition dominée par le Hezbollah chiite. Dans son enquête, Hersh s’inquiétait, avant même que le Fatah Al-Islam ait fait parler de lui, du développement de groupes sunnites radicaux liés à Al-Qaida et dont certains financements provenaient des forces proches de la majorité et du parti de M. Hariri. « Et nous, les Etats-Unis, nous regardons ailleurs alors que notre argent et celui de l’Arabie saoudite passent à ces gens sous la table. (…) Pourquoi soutenons-nous des gens, je veux dire les salafistes, que nous aurions arrêtés il y a deux ou trois ans et mis à Guantánamo ? Parce qu’ils sont des alliés potentiels contre le Hezbollah. »

Ces révélations sont confirmées par le journaliste David Samuels (2). Alors que le succès des démocrates aux élections de novembre 2006 au Congrès avait suscité un vif débat à Washington entre ceux qui croyaient à une victoire en Irak et ceux qui étaient favorables à la négociation avec l’Iran et la Syrie, « [Mme Condoleezza] Rice et ses collègues de l’administration décidèrent de s’engager dans une troisième voie audacieuse et risquée. (…) L’administration choisit un mélange subtil de diplomatie et de pressions économiques, d’exercices militaires à grande échelle, de guerre psychologique et d’actions clandestines. La facture pour les actions clandestines, qui comprennent le financement de mouvements confessionnels et paramilitaires en Irak, en Iran, au Liban et dans les territoires palestiniens, se monterait à 300 millions de dollars. Ils sont payés par l’Arabie saoudite et d’autres pays concernés du Golfe. »

Désormais, l’Iran a remplacé Al-Qaida dans le rôle d’ennemi public numéro un.

Le Monde Diplomatique, 28/09/2007

Notes :

(1) Seymour Hersh, « The redirection : A strategic shift (disponible en français – ndr) », The New Yorker, 5 mars 2007. Les citations sont tirées de l’entretien donné au site Antiwar.com, le 13 mars 2007 : « Why Is the US Backing Sunni Jihadists ? »

(2) David Samuels, « Grand illusions », The Atlantic Monthly, Washington, DC, juin 2007.[ratings]

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