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Le Conseil européen de la fatwa critiqué pour son traditionalisme

La théologie, la vie privée et les affaires : quotidiennement sollicités sur ces sujets, les imams de France se font confidents, conseillers, psychologues ou médiateurs. « Beaucoup de questions tournent autour de la vie familiale, des violences conjugales, des mariages forcés, du divorce », témoigne Ahmad Miktar, imam à Villeneuve-d’Ascq (Nord). De plus en plus de fidèles s’inquiètent aussi de la possibilité de contracter un prêt, alors que l’islam proscrit l’usure. Les plus radicaux s’interrogent sur la hijra, le « retour » en terre musulmane.

 

Qu’ils aient été formés à la théologie dans leur pays d’origine, qu’ils soient autodidactes à l’image des imams-maçons, « prêtés » par l’Algérie ou la Turquie, francophones ou non, les imams sont confrontés à l’application des principes islamiques dans les sociétés européennes. Fondé en 1997, le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR), qui tient sa session annuelle du 15 au 20 mai à Sarajevo sur le thème « La citoyenneté des musulmans en Europe », est censé les y aider, en prenant en compte le contexte de pays où l’islam est minoritaire.

« La création de ce conseil résulte d’une démarche nouvelle et importante », plaide Ahmed Jaballah, l’un des représentants de l’islam de France au Conseil. Ce théologien de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) reconnaît toutefois que ses avis sont jugés « trop traditionnels par certains courants et trop souples par les plus radicaux ».

Présidé par le cheikh d’origine égyptienne Youssouf Al-Qaradawi, référence théologique de courants liés aux Frères musulmans, comme l’UOIF, le Conseil produit des avis (fatwa en arabe), dont une partie est traduite en anglais. Idéologiquement marqué, il suscite de nombreuses critiques et son utilisation demeure limitée « Ã  la frange militante de l’UOIF », estime Samir Amghar, chercheur à l’EHESS : « Les musulmans de base fonctionnent beaucoup par des normes bricolées. Les avis du Conseil ont donc très peu d’impact ».

« Le principe est intéressant, juge Ali Rahni, porte-parole du Collectif des musulmans de France, proche de Tariq Ramadan. Mais le Conseil devrait accueillir davantage de personnalités européennes ». « Si la majorité de ses membres résident en Europe, aucun n’y est né et n’a connu la réalité des jeunes musulmans issus de l’immigration », soulignent Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, auteurs d’Intégrer l’islam (Odile Jacob). « Ce Conseil n’a rien d’européen, il est oriental, monopolisé par les traditionalistes », dénonce Tahar Mahdi, imam dans le Val-d’Oise, en rupture avec une institution dont il est membre fondateur.

M. Miktar, membre actif de l’UOIF, utilise « certaines fatwas qui permettent de faciliter la vie des musulmans en Europe ». Ainsi, l’heure de la prière peut être modifiée pour s’adapter aux horaires de travail. Le Conseil a aussi admis que des femmes converties puissent rester mariées à des non-musulmans si elles ont la possibilité de pratiquer. « Sur les questions nouvelles ou compliquées, comme les mères porteuses par exemple, le CEFR n’a pas de réponse. Et quand on ne sait pas, on interdit », affirme M. Mahdi.

En attendant l’émergence d’un islam d’Europe, beaucoup d’imams continuent de chercher leurs réponses sur les radios et les sites Internet arabes, ou se réfèrent aux savants de l’université égyptienne Al-Azhar et à ceux de leurs pays d’origine.

Le Monde, 15/05/07

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