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Des prisons suspectées d’être infiltrées par les islamistes

K__nitra_1.jpgDix jours après la spectaculaire évasion de la prison centrale de Kénitra de neuf détenus islamistes – dont un condamné à mort et quatre à perpétuité – les autorités marocaines se refusent toujours à fournir une explication officielle. «La nature des complicités dont ont bénéficié les évadés islamistes à l’intérieur des prisons est problématique, explique une source proche de l’administration pénitentiaire. La corruption ne peut pas tout expliquer, on a aussi pu fermer les yeux par complaisance, ce qui serait beaucoup plus grave.»

Four à pain. Reconstitué en grande partie par la presse, le scénario de l’évasion suscite de nombreuses interrogations. Logés dans deux cellules mitoyennes, les détenus, (parmi eux un maçon de 35 ans), avaient alors profité en novembre de la mise en place d’un lavabo, réclamé «pour pouvoir effectuer leurs ablations quotidiennes», pour relier leurs cellules en perforant un trou de 50 cm dans le mur mitoyen, rapporte le journal TelQuel, hebdomadaire marocain indépendant. Deux à trois mois plus tard, les «travaux» de construction du tunnel libérateur, auraient alors débuté.

Creusé sous les toilettes d’une des cellules, à trois mètres de profondeur, le tunnel longeait sur une vingtaine de mètres le tracé d’une canalisation d’eaux usées franchissant le mur d’enceinte de la prison et menant sous le jardin du directeur, par lesquels les évadés ont pris la fuite lundi 7 avril à 5 h 30 du matin. «Petites cuillères, casseroles et barre de fer» , rapporte unanimement la presse, ont permis aux détenus pour la plupart âgés entre 25 et 35 ans de déblayer le tunnel. Les mottes de terre dégagées étaient entassées dans une quarantaine de sacs de farine, «provenant du four à pain de la prison», qui auraient été retrouvés dissimulés dans les deux cellules exiguës.

L’absence évidente de fouille minutieuse et régulière des cellules des détenus a relancé, au Maroc, le débat sur les conditions de détention du millier de prisonniers islamistes répartis dans sept prisons à travers le royaume. Incarcérés en masse après les attentats de Casablanca en mai 2003, les détenus salafistes ont fini par progressivement s’organiser.

Quartiers réservés. En mai 2005, une première grève de la faim de quarante-huit jours avait conduit les autorités pénitentiaires à desserrer l’étau dans lequel ces prisonniers étaient jusque-là maintenus. Visites conjugales, téléphones portables, cellules de deux à trois prisonniers contre une vingtaine en moyenne, les islamistes, isolés dans des quartiers réservés, ont ainsi vu leurs traitements sensiblement s’améliorer par rapport aux détenus de droit commun. «Leur nombre fait qu’ils peuvent faire pression sur l’administration sans compter que, le plus souvent, les gardiens sympathisent avec ces détenus qui font leur prière», note Abderahim Mourtadade, président de l’Association des familles des détenus islamistes. «Et puis, les gardiens sont débordés. A Ain Borja, à Casablanca, on compte sept gardiens pour 200 prisonniers islamistes qui finalement s’autogèrent».

Prisons vétustes et surpeuplées, gardiens sous-payés, le système pénitentiaire marocain est au bord de l’implosion. Les 60 000 détenus que renferment les 59 prisons partagent un lit à trois dans des cellules où l’on compte à peine 1,5 mètre carré par détenu. Conscients des enjeux, les pouvoirs publics ont lancé la construction de 4 nouveaux établissements pénitentiaires en 2005 quand pourtant 20 centres supplémentaires seraient nécessaires, expliquait cet automne le ministre de la Justice, plaidant pour une rallonge budgétaire. Alourdies par une justice prompte à appliquer de lourdes peines, les prisons débordées et corrompues ont laissé s’échapper en 2006 une vingtaine de prisonniers, 12 d’entre eux avaient été rattrapés.

Lundi, les 9 islamistes dont 2 membres d’une cellule terroriste responsable en 2002 et 2003 de meurtres et d’enlèvement particulièrement violents étaient toujours en fuite. Dans un message accroché au mur de la cellule, les évadés, qui s’excusaient «pour le dérangement», précisaient ne vouloir faire du mal à qui que ce soit «si personne ne [leur] fait du mal».

Libération 18/04/2008

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