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Cinq ans après, la question irakienne reste sans réponse

Bagdad.jpgBAGDAD (Reuters) – Cinq ans après l’intervention des forces américaines et britanniques, cinq ans après le renversement du régime de Saddam Hussein, de nombreux Irakiens se demandent si l’objectif valait les violences et les bouleversements qui marquent aujourd’hui encore leurs existences.

Le coût humain de la guerre en Irak est effrayant. Les pertes civiles sont impossibles à estimer de manière précise, les différentes études ou enquêtes oscillent entre 90.000 et un million de morts. Quatre millions d’Irakiens ont été déplacés. Dans les rangs des forces américaines, le bilan frôle désormais les 4.000 décès.

Sur l’autre versant, les Irakiens en ont fini avec un régime dictatorial considéré comme l’un des pires du XXe siècle. Jugé coupable de crimes contre l’humanité, Saddam Hussein a été condamné à mort et exécuté le 30 décembre 2006. L’Irak est désormais dotée d’une nouvelle constitution, les élections y sont libres.

Cela valait-il une guerre? Lorsque, cinq ans après, les Irakiens abordent cette question, leur réponse dépend en partie de leur affiliation religieuse ou ethnique et de la région où ils vivent.

Saddam Hussein appartenait à la minorité sunnite. Sous son règne, les chiites, majoritaires, et les Kurdes ont été persécutés. Aujourd’hui, la majorité chiite est au pouvoir; les Kurdes jouissent d’une quasi-autonomie dans le Nord; les sunnites, eux, ont le sentiment d’être marginalisés.

SITUATIONS VARIABLES

A Bagdad, épicentre des affrontements entre chiites et sunnites de 2006 et 2007 qui ont manqué de précipiter le pays dans la guerre civile, certains regrettent la sécurité qui régnait dans la capitale sous Saddam.

Dans le Sud chiite, la disparition des hommes de main de l’ex-dictateur est un soulagement, mais ce sont des factions chiites en quête d’influence qui s’affrontent désormais.

Dans le Nord, l’économie est florissante et les Kurdes ont rebaptisé leur région « l’autre Irak ».

Hochiyar Zébari, ministre des Affaires étrangères, appartient à la communauté kurde. Pour lui, l’Irak progresse dans la bonne direction. A ceux qui souffrent des conséquences de l’intervention américaine, à ceux qui jugent que ce fut une erreur, il rappelle les atrocités commises sous Saddam.

« La brutalité du régime de Saddam a déformé notre société à bien des égards, nous devons donc être patients », dit-il dans une interview accordée à Reuters. « Si nous nous comparons aux expériences d’autres nations, je pense que nous nous en sommes bien sortis. Mais oui, bien sûr, cela a été très, très cher. »

TUÉS POUR LA CONSONNANCE DE LEUR NOM

Oum Khalid, une coiffeuse de 40 ans vivant à Bagdad, ne peut accepter ce discours. « Non, non, non! Ce qui s’est passé n’en valait pas la peine. Ceux qui prétendent que les choses se sont améliorées sont des menteurs », dit-elle.

L’euphorie qui a suivi la chute de Saddam – on se souvient des scènes de liesse à Bagdad -, l’espoir que les Etats-Unis feraient de l’Irak un riche pétro-Etat du Golfe, a rapidement fait place à l’horreur des attentats à la bombe et des fusillades.

Le 19 août 2003, cinq mois après l’entrée des forces américaines en Irak, un camion piégé explose devant le quartier général de l’Onu à Bagdad. Bilan: 22 morts, dont l’émissaire des Nations unies Sergio Vieira de Mello. Le 29 août, c’est une voiture piégée qui frappe la mosquée de l’imam Ali à Nadjaf, ville sainte chiite. Quatre-vingt-trois morts dont l’ayatollah Mohammed Baqer al Hakim, guide spirituel chiite.

Rapidement, les insurgés sunnites font des marchés et des mosquées des champs de bataille. L’Irak devient un terrain d’entraînement et une terre d’élection pour les « djihadistes » proches du réseau Al Qaïda.

A partir de février 2006 et la destruction du dôme de la Mosquée d’or de Samarra, autre lieu saint de la branche minoritaire de l’islam, chiites et sunnites s’affrontent au nom de leurs croyances religieuses. La seule consonance d’un nom peut être un passeport direct pour la mort.

« Avant 2003, nous vivions sous un régime sévère, nul ne peut le nier. Mais nous n’avions au moins jamais entendu parler de cadavres jetés sur des décharges pour la seule raison que leur nom était chiite ou sunnite », dit Abou Ouassane, ancien général et ex-responsable du parti Baas démantelé après la chute de Saddam.

LA LITANIE DES STATISTIQUES

Le pire de ce carnage confessionnel est passé, du moins pour l’instant. Il y a un an, la police retrouvait chaque jour jusqu’à 50 cadavres abandonnés de nuit dans les rues de Bagdad. Le déploiement des renforts américains et les cessez-le-feu entre factions sunnites et chiites ont ramené ce nombre sous les dix. Autre explication: dans certains quartiers de Bagdad, il n’y a plus aucune mixité religieuse.

Les dernières estimations des pertes recensées par l’Iraq Body Count, organisme de défense des droits de l’homme à la réputation assise, font état de 89.000 civils tués depuis 2003. Des études britanniques basées sur des extrapolations avancent, elles, un bilan d’un million de morts.

D’autres statistiques dressent un état sinistre du « nouvel Irak année cinq ». Selon l’Onu, quatre millions d’Irakiens souffrent de malnutrition et 40% des 27 millions d’habitants du pays n’ont pas d’eau potable.

Pour ce qui est de la santé publique, l’Irak est confronté à l’exil des médecins. Selon le syndicat professionnel, 70% des spécialistes ont fui à l’étranger.

L’alimentation électrique est une autre source de difficultés de la vie quotidienne. Les installations, dévastées par les années de guerre et les sanctions internationales sous Saddam, sont sous-dimensionnées et des millions de personnes sont régulièrement plongées dans le noir.

« La démocratie? Quelle démocratie? La prospérité? Quelle prospérité? Lorsque la statue de Saddam est tombée, nous avons cru que nous vivrions comme dans les Etats du Golfe, mais ce n’était que des mots », s’emporte Abdallah Ahmed, un chauffeur de taxi de 53 ans, rencontré dans une longue file d’attente à une station-services de Kirkouk, centre de la production pétrolière irakienne.

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