LILLE (Reuters) – La cour d’appel de Douai (Nord) a été invitée lundi à rendre un jugement de compromis dans le litige concernant l’annulation d’un mariage entre deux musulmans français pour cause de non-virginité de l’épouse, ont annoncé le parquet général et l’avocat de la jeune femme.
Il est désormais question de confirmer l’annulation du mariage, tout en la fondant sur un autre motif. Après une audience à huis clos, en l’absence des deux époux, la cour a mis son arrêt en délibéré au 17 novembre.
Le jugement rendu en première instance en avril par un juge de Lille a suscité un vif débat en France.
Des féministes et diverses personnalités de droite comme de gauche se sont indignées de la décision en estimant qu’elle revenait à inscrire dans la jurisprudence une règle religieuse.
Malgré l’opposition des deux époux, tous deux satisfaits de leur séparation, le parquet général avait fait appel à la demande du ministère de la Justice.
Avant l’audience d’appel, un représentant du parquet général a confirmé aux journalistes qu’il suggérait aux juges de de modifier les motifs de l’annulation du mariage.
« Le motif pourrait être le défaut de cohabitation, l’erreur sur la personne. Nous demandons une substitution de motif », a dit Eric Vaillant, secrétaire général du parquet de Douai.
L’avocat de l’épouse mise en cause par son mari pour cause de non-virginité, Me Charles-Edouard Mauger, a expliqué que cette option lui convenait.
« Il faut trouver un motif pour annuler ce mariage. Cette union n’a pas de sens. Il faut que l’intérêt général de la société soit pris en compte et que l’annulation ne soit pas prononcée sur cette question de virginité », a-t-il dit à la presse.
L’avocat de l’époux n’a pas souhaité faire de déclaration aux journalistes. Selon une source proche du dossier, il est resté à l’audience sur sa demande d’une annulation du mariage fondée sur le problème de la virginité.
ISLAM ET LAÃCITÉ
Ce dossier a replongé le pays dans les débats, fréquents ces dernières années, sur la place de l’islam en France et le respect de la laïcité.
Avant l’été, une partie de la droite avait demandé la suppression de la possibilité procédurale d’annuler un mariage, pour ne plus conserver que le divorce. Le Parti socialiste avait annoncé le dépôt « sans tarder » d’une proposition de modification de la loi, une annonce non suivie d’effet.
Des magistrats soulignent cependant que le juge de Lille n’a pas rendu une décision de principe sur la virginité, mais constaté qu’aux yeux des deux époux cette question constituait bien une question « essentielle ».
L’appel déposé par le parquet à la demande du ministère de la Justice est d’autant plus ambigu que le Garde des Sceaux, Rachida Dati, avait d’abord défendu la décision en soulignant qu’elle profitait objectivement à la jeune femme, qui était ainsi à ses yeux protégée.
La ministre a elle-même eu recours dans le passé à cette procédure pour faire annuler un mariage organisé par sa famille.
Le parquet général considère finalement dans son argumentaire écrit versé au dossier que la non-virginité ne peut constituer une « qualité essentielle » de la personne permettant d’obtenir l’annulation du mariage.
Une telle décision serait discriminatoire car elle porterait atteinte « aux principes d’égalité homme-femme, de libre disposition de son corps et à la dignité de l’être humain », estime le ministère public.
La cour d’appel est face à un imbroglio juridique, car la décision initiale a été rendue en avril avec l’accord des deux époux. Par l’intermédiaire de son avocat, la jeune femme concernée a fait connaître cet été sa désapprobation concernant cet appel, estimant qu’il n’appartenait pas à l’Etat de décider à sa place de sa vie et soulignant que le premier jugement lui avait permis de tourner une page.