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Shirin Ebadi dénonce l’absence de démocratie réelle en Iran

Shirin_Ebadi_1.jpgTEHERAN (Reuters) – Téhéran se sert des élections pour masquer l’absence de démocratie réelle dans le système étroitement contrôlé du pays, estime l’avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix.

Lors d’une interview accordée dimanche soir à Reuters, elle a dit ne pas avoir participé aux législatives de vendredi, à l’issue desquelles le camp conservateur de la République islamique a maintenu son emprise sur le Majlis (parlement).

« Pourquoi devrais-je voter alors que je pense que ces élections ne sont pas libres et que je ne connais aucun des candidats ? », a fait valoir Ebadi, 60 ans.

« La première mesure à obtenir, dans une démocratie, c’est qu’on puisse voter pour qui l’on veut », a-t-elle déclaré dans son bureau en sous-sol, dans une paisible rue de Téhéran.

« Mais les gens ne sont pas libres de choisir, ils ne peuvent voter que pour ceux qui ont reçu l’approbation du Conseil des gardiens. Un tel scrutin ne saurait être considéré comme libre. »

Seuls 60% environ des 7.600 candidats potentiels ont franchi le contrôle des commissions gouvernementales et du Conseil des gardiens, organisme non élu comprenant 12 religieux et juristes.

Parmi les exclus figurent de nombreux représentants du camp réformiste qui avaient tenté d’améliorer la situation sur le plan des droits de l’homme lorsque l’ancien président Mohammad Khatami était au pouvoir (1997-2005). Selon Ebadi, qui a obtenu le prix Nobel en 2003, toute personne ayant critiqué le gouvernement était susceptible d’être mise à l’écart.

Si la démocratie est plus avancée en Iran que dans des pays voisins comme l’Arabie saoudite, où n’est organisé aucun scrutin national, elle reste très en deçà des aspirations de la population, a-t-elle dit.

En Iran, les élections sont pour le gouvernement un moyen de « consolider la situation existante » et d’affirmer au monde que le système fonctionne du seul fait que des Iraniens ont voté, a poursuivi Ebadi avec le concours d’un interprète.

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EN RECUL

Les autorités ont fait état d’un taux de participation supérieur à 60% des 44 millions d’électeurs inscrits au scrutin de vendredi. Les réformistes avaient exhorté leurs concitoyens à voter tout comme leurs adversaires conservateurs.

L’Union européenne a estimé que les élections n’avaient été « ni libres, ni équitables ». Pour les Etats-Unis, elles ont été « truquées ». Téhéran a pour habitude de rejeter ces critiques occidentales comme des ingérences dans ses affaires intérieures.

« J’ai mes objections personnelles aux violations des droits de l’homme imputables aux Etats-Unis », a noté Ebadi en rappelant qu’elle avait critiqué les conditions faites aux détenus à la prison de Guantanamo dans son discours de lauréate du Nobel.

« Mais les droits de l’homme sont un principe international. La raison pour laquelle l’Iran s’estime en droit de parler de violations des droits de l’homme en Palestine, permet à tout un chacun de parler des droits de l’homme dans ce pays. »

Ebadi, qui portait le foulard imposé par les dirigeants religieux, a dit que la situation avait régressé depuis deux ans à cet égard en Iran. Elle a cité à ce propos un nombre croissant de prisonniers politiques et un record mondial du nombre d’exécutions par tête d’habitant enregistré l’an dernier.

« La liberté d’expression diminue et beaucoup de sites internet sont filtrés », a-t-elle dit.

Ebadi a aussi reproché aux pays occidentaux de se concentrer trop exclusivement sur le programme nucléaire iranien: « Ils ont tendance à négliger ou à oublier la question des droits de l’homme en Iran. C’est pour cela que les choses empirent. »

Un sit-in visant à bloquer un projet de loi sur la famille dirigé « contre les intérêts des femmes et des enfants » est le seul point positif relevé par Ebadi depuis deux ans.

Son Centre de défense des droits de l’homme fournit une assistance juridique aux détenus politiques et un soutien financier à leurs familles. Ebadi et ses collègues défendent aussi une cinquantaine de femmes inculpées à la suite d’une campagne qui visait à recueillir un million de signatures en faveur des droits des femmes en Iran.

En vertu de la législation adoptée depuis la révolution islamique de 1979, la déposition d’une femme « vaut » la moitié de celle d’un homme, a déclaré Ebadi. Ainsi, après un accident de voiture, une femme ne peut espérer que la moitié de l’indemnisation accordée à un homme.

Ebadi, qui a purgé une peine de prison, a dit avoir reçu un flot de lettres de menaces et d’appels téléphoniques analogues. Elle ne semble pas en être atteinte: « Quand on croit à la justesse de ce qu’on fait, il n’y a aucune raison d’avoir peur de quoi que ce soit. »

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