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Salman Rushdie confronté aux musulmans indiens

On croyait les menaces des conservateurs de l’islam contre l’écrivain Salman Rushdie enterrées depuis longtemps. Elles resurgissent à l’occasion du Festival du Livre de Jaipur, qui aura lieu du 20 au 24 janvier.

Viendra, viendra pas? L’auteur des Versets sataniques devait être la vedette du Festival du Livre de Jaipur, la capitale du Rajasthan, cuvée 2012. Il en est devenu le casse-tête. Inviter Rushdie, c’était compter sans la pugnacité des conservateurs de l’islam indiens. Ils ne font pourtant pas si souvent parler d’eux, et se sont jusqu’ici illustrés par leur modération, condamnant notamment l’utilisation de l’islam à des fins terroristes.

Mais pour une raison que la raison ignore, ils viennent de monter au créneau, demandant aux autorités indiennes à Delhi et au Rajasthan, de faire en sorte que la visite de l’écrivain soit annulée.

Il y a une semaine, Abdul Qasim Nomani, le recteur de Darul Uloom de Deoband (Uttar Pradesh, nord de l’Inde), la plus célèbre école coranique du sous-continent, leur a envoyé une lettre demandant d’interdire l’entrée de Rushdie en Inde.

«Il ne s’agit pas de lancer une fatwa de mort contre Rushdie, s’est défendu Abdul Qasim Nomani, mais au nom de la démocratie, nous avons le droit d’être contre sa présence qui offense les sentiments des musulmans». Ajoutant que Darul demanderait aux étudiants de toutes les madrasas du pays d’organiser des manifestations.

Changement d’agenda

Salman Rushdie avait été contraint à la clandestinité un an après la publication, en 1988, des Versets sataniques, un ouvrage pour lequel il avait été accusé de blasphème contre l’islam. Le 14 février 1989 l’ayatollah Khomeini avait lancé une fatwa de mort contre lui. L’écrivain n’est sorti de l’ombre que des années plus tard. En 2007, il a été anobli par la Reine d’Angleterre.

Les organisateurs du festival de Jaipur ont apparemment été pris de court par l’ampleur que prend l’affaire en Inde. Depuis le début de la semaine, leurs réactions traduisent leur embarras. Mercredi, le nom de Rushdie a été effacé de la liste des participants… mais dans le même temps, ces mêmes organisateurs publiaient un communiqué ambigu: «En raison d’un changement dans son agenda, Salman Rushdie ne sera pas en Inde le 20 janvier. Le festival maintient toutefois son invitation à M. Rushdie».

Les récriminations des musulmans peuvent paraître étranges quand on sait que Salman Rushdie en est à sa cinquième visite dans ce pays depuis qu’il est sorti de la clandestinité. L’écrivain est né à Bombay en 1947 et bénéficie du statut de «Person of Indian Origin (PIO)» qui ne lui fait pas obligation de demander un visa pour se rendre en Inde.

D’abord ignorée, la menace des derniers jours a fait son chemin, au point qu’aujourd’hui, nul ne sait si Rushdie viendra ou non à Jaipur. Il faut dire que cette mini-crise intervient à un moment délicat: des élections régionales auront lieu le mois prochain en Uttar Pradesh. Elles sont d’un formidable enjeu pour les partis en lice, notamment celui du Congrès, et il ne s’agit pas de s’aliéner le vote musulman. Les musulmans représentent 20% de la population dans l’ensemble de l’Uttar Pradesh, avec des pics de 30% dans certaines poches de l’état. Or, Ashok Ghelot, le premier ministre du Rajasthan, appartient au Congrès. Si des violences liées à l’islam devaient éclater à Jaipur, cela pourrait rejaillir sur le scrutin dans l’état voisin.

Le figaro 19/01/2012

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