PARIS (AFP) – Au nom du droit des femmes, les féministes, associations anti-racistes ou laïques et deux ministres ont dénoncé vendredi l’annulation par la justice d’un mariage motivée par le mensonge de l’épouse sur sa virginité, décision apparemment admise par la seule Rachida Dati.
De gauche à droite, les partis se sont émus d’une décision rendue par un juge de Lille, jugée « scandaleuse » pour le PCF, « atterrante » pour le PS, et « remettant en cause l’égalité hommes-femmes » (UMP).
Après Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité chargée du droit des femmes, qui s’est déclarée jeudi « consternée » de voir que certaines interprétations du code civil puissent conduire « à une régression du statut de la femme », Fadela Amara, secrétaire d’Etat à la politique de la Ville et ancienne présidente de l’association « Ni putes ni soumises », a évoqué vendredi une « fatwa contre l’émancipation des femmes ».
« J’ai cru que l’on parlait d’un verdict rendu à Kandahar », a déclaré Mme Amara.
Le tribunal de Lille avait annulé l’union en avril. En basant sa décision sur l’article 180 du code civil, qui stipule que « s’il y a eu erreur sur la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage » dans un délai de cinq ans.
« Il existe en France, au 21e siècle, des juges pour considérer que la virginité (des femmes évidemment!) est une +qualité essentielle+ », on a vraiment peine à le croire », a réagi le Collectif national pour le droit des femmes (CNDF) en fustigeant « les intégristes de tous poils ».
La Ligue des droits de l’Homme juge la décision « discriminatoire » à l’égard des femmes, tandis que le médiateur de la République Jean-Paul Delevoye la voit « contraire à l’esprit de la laïcité ».
Pour Femmes Solidaires, Sabine Salmon estime que le jugement est d’autant plus « scandaleux » qu’on « voit de plus en plus de jeunes filles qui utilisent la reconstruction chirurgicale de l’hymen pour arriver vierge au mariage ».
Beaucoup s’inquiètent de la jurisprudence ainsi établie.
La présidente du Conseil national des femmes françaises (CNFF) Marie-Jeanne Vidaillet-Peretti s’est déclarée « prête (…) pour aider la jeune femme concernée à aller jusqu’en cour de cassation ».
« Mais une annulation de mariage est une action personnelle, jugée au civil, et une association ne peut pas intervenir », avertit Anne Jonquet, avocate au barreau de Saint-Denis.
Selon elle, « seule la chancellerie peut intervenir ». Un porte-parole de l’UMP a d’ailleurs souhaité que le ministère de la Justice « déclenche un recours dans l’intérêt de la loi pour dire le droit ».
Une telle initiative n’aurait aucune incidence sur la situation des parties mais aurait une portée doctrinale pour faire évoluer la jurisprudence, a expliqué à l’AFP une source judiciaire.
Seul problème, dans le concert de critiques, l’unique note discordante est venue… de la chancellerie.
La ministre de la Justice Rachida Dati, qui avait révélé dans son livre « Je vous fais juge » (Grasset, 2007) avoir fait annuler son propre mariage, « décidé sans le vouloir », a semblé prendre la défense du jugement, et s’est retrouvée critiquée aussi bien par Marine Le Pen (FN) que par Marie-George Buffet (PCF).
« La justice est là pour protéger. Le fait d’annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage, parce que je pense que cette jeune fille (…) a souhaité également, sans doute, se séparer assez rapidement », a déclaré Mme Dati.