Les députés se penchent, mardi, sur l’interdiction du port du voile intégral, dans un climat qui s’annonce beaucoup moins électrique que prévu, les socialistes revendiquant une « attitude responsable » après avoir dénoncé un texte à leurs yeux « inapplicable ». L’examen par l’Assemblée du projet de loi « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public » démarrera – curieusement – de nuit, mardi, et durera deux ou trois jours. Avant le scrutin solennel (indication du vote de chaque député), le 13 juillet, voulu par le patron des députés groupe UMP, Jean-François Copé, en pointe dans le combat anti-voile intégral. Le débat sur ce dossier sensible, qui occupe le devant de la scène politico-médiatique depuis un an et fait tache d’huile en Europe, constitue le temps fort de la session extraordinaire du Parlement.
La tension politique est retombée depuis le vote consensuel, début mai, d’une résolution parlementaire anti-niqab et burqa, présentée par l’UMP. Le PS avait alors uni ses voix à celles de la droite pour approuver cette déclaration de principes sans pouvoir contraignant. À gauche comme à droite, tous dénoncent le voile intégral, certains évoquant « un apartheid sexuel ». Communistes et Verts avaient néanmoins refusé de participer au scrutin, déplorant une « opération de stigmatisation » des musulmans de la part de l’UMP.
Après avoir reçu les autorités religieuses et politiques, François Fillon a, lui, poursuivi son opération de déminage en inaugurant la semaine dernière – fait rare pour un Premier ministre – une mosquée en banlieue parisienne. Il en a profité pour louer l’islam « du juste milieu », opposé au symbole « sombre et sectaire » du voile intégral.
Certains socialistes voteront pour
Concrètement, le texte interdit le port du niqab (et burqa) dans tout l’espace public, sous peine d’une amende de 150 euros et/ou d’un stage de citoyenneté. La verbalisation ne sera donc pas systématique et les sanctions n’entreront en vigueur qu’au printemps 2011 après six mois de « pédagogie ». Le mari/concubin (ou toute autre personne) obligeant sa compagne (ou toute autre femme) à se voiler sera passible d’un an de prison et 30.000 euros d’amende, selon un nouveau délit applicable, lui, sitôt la loi promulguée. Des peines doublées quand la personne contrainte est mineure, selon un amendement adopté à l’initiative… du Parti socialiste. « Martine Aubry et moi-même avons évolué », a admis, jeudi, le patron des députés PS, Jean-Marc Ayrault.
Le PS a d’abord refusé de légiférer sur un problème « marginal » (environ 2.000 femmes, selon le gouvernement), dans lequel il voyait un prolongement du débat « nauséabond » sur l’identité nationale. S’appuyant sur les réserves du Conseil d’État et craignant une censure du texte, il a ensuite plaidé pour une interdiction limitée aux services publics et aux commerces. Donc pas dans la rue. Mais « il faut avoir une attitude responsable » et « je ferai en sorte de ne pas faire obstacle au vote d’une loi, sinon les Français ne comprendraient pas notre position », insiste Jean-Marc Ayrault. Une large majorité est favorable à une interdiction générale du voile intégral, selon plusieurs sondages.
Le plus probable est que le groupe socialiste s’abstiendra. Un certain nombre de députés PS (Manuel Valls, Aurélie Filippetti…) voteront même pour. PCF et Verts maintiennent, eux, leur refus d’une loi spécifique. Le texte sera ensuite débattu au Sénat en septembre. Gouvernement et UMP misent sur un vote conforme qui entraînera l’adoption définitive du texte.