Deux semaines avant l’ouverture du Salon du livre, porte de Versailles, à Paris, la polémique enfle. Le choix d’Israël comme invité d’honneur, par le Syndicat national de l’édition, cristallise les critiques du monde Âarabe alors que l’on célèbre Âcette année le soixantième anniversaire de la création de l’État hébreu.
À Rabat, en début de semaine, l’organisation panislamique Isesco (Organisation islamique de l’éducation, des sciences et de la culture) a appelé ses cinquante pays membres à boycotter le Salon du livre de Paris. L’Union des écrivains palestiniens a invité les maisons d’édition arabes et palestiniennes à ne pas se rendre à la manifestation. Le Yémen (qui ne possède pourtant pas de stand) et le Liban (lire ci-dessous) ont déjà annoncé qu’ils suivraient ces mots d’ordre. Les éditeurs algériens et marocains seront également absents des stands, même si certains affirment qu’ils viendront «à titre individuel».
L’écrivain égyptien Alaa Âal-Aswani, auteur du best-seller international L’Immeuble Yacoubian, et l’Américaine d’origine palestinienne Susan Abulhawa dénoncent violemment, quant à eux, la présence d’Israël comme invité d’honneur, tout en affirmant qu’ils se rendront malgré tout au Salon.
Esprit de transparence
Quant à Serge Eyrolles, président du Syndicat national de l’édition et organisateur du Salon, il se dit «profondément déçu par cette politisation à outrance de la manifestation. Je le dis et je le répète : depuis Âquinze ans, le Salon du livre n’invite pas les pays ! Il invite la littérature. Nous n’invitons pas Israël mais la littérature israélienne, qui est une littérature dynamique, d’une immense richesse».
Trente-neuf écrivains israéliens de toutes générations, d’Aharon Appelfeld à Etgar Keret, sans oublier quelques grandes figures comme Amos Oz ou David Grossman, seront présents porte de Versailles, du 14 au 19 mars. Le 13, l’inauguration aura lieu en présence du président Nicolas Sarkozy et de son homologue israélien ÂShimon Pérès. Les organisateurs du Salon insistent sur le caracÂtère « totalement déconnecté du soixantième anniversaire de la création de l’État hébreu. Nous avons même proposé, fin 2007, d’organiser, avec l’aide de l’Institut du monde arabe (IMA) désormais dirigé par Dominique ÂBaudis, un Salon du livre arabe qui aurait eu lieu aux mêmes dates que le Salon du livre de Paris».
«Même si nos démarches n’ont pas abouti, cela montre bien notre esprit de transparence , précise Serge Eyrolles. Par ailleurs, les Israéliens possèdent un stand au Salon du livre depuis dix ans . Jusqu’à présent, cela n’avait choqué aucun éditeur arabe. Mon sentiment profond est que nous sommes victimes d’une campagne de boycott complètement démesurée.» Le SNE affirme que « les mesures de sécurité de la manifestation seront maximales». «Je ne peux pas vous en dire plus , conclut Eyrolles, mais sachez que nous ne voulons prendre aucun risque avec la sécurité du public.»
Face aux critiques du monde arabo-musulman, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui a jugé le boycott du Salon par les écrivains arabes «extrêmement regrettable», est l’un des seuls à avoir réagi dans la classe politique. Les intellectuels et les écrivains sont pour le moment étrangement absent de ce débat. Une discrétion qui contraste avec les réactions indignées qui ont suivi, en Italie, l’appel au boycott de la Foire du livre de Turin, dont Israël est également l’invité d’honneur en mai prochain.