BEYROUTH (AFP) – Le film d’animation franco-iranien « Persépolis », critiqué par les autorités iraniennes pour sa peinture de la Révolution islamique, n’a pas été autorisé à sortir sur les écrans libanais, provoquant de vives critiques dans le pays.
Le responsable, membre des services de la Sûreté générale dépendant du ministère, n’a pas précisé la raison de cette interdiction. Mais une source gouvernementale, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a expliqué à l’AFP que le film avait déplu au chef de la Sûreté, un proche du Hezbollah.
« Il est clair que le chef des services de sécurité, le général Wafiq Jizzini est proche du Hezbollah et ne veut pas autoriser ce genre de film qui, selon lui, donne une image de l’Iran plus mauvaise que sous le Chah », a estimé cette source.
Le ministre de la Culture, Tarek Mitri, a déclaré à l’AFP qu’il n’y avait « aucune raison justifiant la censure du film » et qu’il a demandé au ministère de l’Intérieur de faire lever cette interdiction.
La censure au Liban, qui relève de l’autorité de la Sûreté générale, « est en principe +justifiée+ si le film incite aux dissensions confessionnelles, porte atteinte aux moeurs ou à l’autorité de l’Etat ou favorise la propagande israélienne », a souligné M. Mitri.
« Or, ces critères ne s’appliquent pas sur ce film d’animation, qui de plus ne porte atteinte ni à l’Iran ni à l’islam. Il présente juste un point de vue et ne doit pas être interdit », a insisté le ministre, qui est favorable à une abolition de la censure.
Le parti du leader druze Walid Joumblatt, l’un des ténors de la majorité antisyrienne au Liban qui accuse l’opposition menée par le Hezbollah de faire le jeu de la Syrie et de l’Iran, a dénoncé un « terrorisme intellectuel ».
« Nous sommes surpris par l’ampleur de cette bêtise culturelle qui donne à un service de sécurité le droit d’évaluer des oeuvres artistiques et culturelles », lit-on dans un communiqué du Parti socialiste progressiste (PSP).
« Cette décision est d’autant plus ridicule que l’on peut trouver au Liban, et notamment dans la banlieue sud (de Beyrouth, dominée par le Hezbollah chiite), des copies de ce film vendues à deux dollars! », a déclaré de son côté Bassam Eid, le directeur de la production au « Circuit Empire », la société qui devait distribuer le film.
« J’ai acheté deux copies dans la banlieue sud et dans le camp de réfugiés palestiniens de Sabra et de Chatila et remis l’une d’elle au ministre Tarek Mitri mercredi matin », a-t-il affirmé à l’AFP. M. Mitri a confirmé avoir regardé le film grâce à cette copie.
Persépolis, prix du jury ex-aequo au Festival de Cannes 2007 et nommé aux Oscars 2008, est tiré de la bande dessinée éponyme de la Franco-Iranienne Marjane Satrapi.
Le film, qu’elle a co-réalisé avec Vincent Paronnaud, montre la répression sous le régime du Chah mais aussi le musellement social, les arrestations et exécutions qui suivirent la Révolution islamique menée par l’ayatollah Khomeiny.
La nature rebelle de l’héroïne et ses ennuis avec les autorités la forcent à quitter temporairement son pays pour l’Autriche, puis à partir en France pour ne jamais rentrer en Iran.
Le film a été condamné par le gouvernement du président iranien Mahmoud Ahmadinejad comme « islamophobe » et « anti-iranien », dont une version censurée a pourtant été diffusée dans le pays.
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