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La Grande mosquée d’Alger: L’Islam tolère-t-il le faste?

Futur grande mosquée d’algerII est étonnant que la réalisation de la future grande mosquée d’Alger (AI Ad’ham est le nom qui lui a été donnée en 2005) n’ait suscité aucun débat dans notre pays.

Les partis politiques ne semblent pas intéressés par ce genre de détails, qui pourtant engagent non seulement des sommes colossales mais le devenir de la capitale, de son urbanisme et de son esthétique. Car il est indéniable qu’une fois réalisée, cette mosquée va défigurer la capitale et son panorama. Bof, l’usine de traitement d’eau en face du Jardin d’essais, a-t-elle défiguré quoi que ce soit ? Les sites et paysages, ce n’est certainement pas le plus grave dans un pays où l’environnement et l’urbanisme comptent peu. Ô ces horreurs de pylônes qui ont détruit nos paysages ! Ces poteaux qui se dressent partout sont la phobie des photographes qui essaient de faire des images de paysages ou de villes d’Algérie ! Et lorsque l’on truffait la capitale de trémies, seuls un ou deux urbanistes et architectes ont élevé la voix, conscients que la solution aux problèmes de pollution et d’embouteillage réside dans le développement des transports publics (bus, métro, tramway) non pas en la transformation des villes en gruyère. Qui a parlé de l’autoroute Est-Ouest qui a coulé sous le béton une superficie agricole équivalent à celle d’un pays européen ? Alors que le rail, le moyen de communication du XXIe siècle et de l’avenir, est inexistant dans notre pays et le restera encore selon les projets programmés jusqu’à 2009. Alors que tant de problèmes ne sont pas réglés, voilà que ressurgit le projet de mégamosquée dont l’utilité n’est point avérée dans la mesure où il n’y a pas de déficit en matière de lieu de culte. L’Algérie qui en possède des dizaines de milliers a-t-elle besoin d’un édifice d’une capacité de 120 000 fidèles ? Les mosquées algéroises sont-elles engorgées à ce point pour engager un projet que l’on estime déjà à 3 milliards de dollars ? A Casablanca, le roi Hassan Il a fait édifier une mégamosquée qui porte son nom et à laquelle il faut, au moins, reconnaître une certaine élégance (pas beauté) même si son esthétique appartient au passé alors que l’architecture doit être vivante et refléter le génie et la sensibilité de son temps. Pour des raisons d’ordre politique et de prestige, Hassen Il a voulu, au travers ce lieu de culte, redorer son blason. L’édifice fut inauguré en 1993, après des travaux d’une dizaine d’années. Puis ce fut au tour d’un Saddam Hussein en perte de vitesse de s’engager dans la course au plus grand lieu de culte. En pleine guerre avec l’Iran, Saddam ne trouvera pas mieux que de commencer l’érection d’une gigantesque mosquée à Baghdad, supposée, elle, détrôner celle de Casa, et qui dresse aujourd’hui son inutile carcasse de béton inachevée après avoir dévoré des sommes colossales. Kadhafi ne fut pas en reste : dans un élan de religiosité démagogique, il a désiré sa grande mosquée, l’argent ne lui manquant pas pour prouver, haut dans le ciel, sa foi. Mais les années 1980 et 1990 étaient aussi celles du salafisme messianique saoudien qui a financé la gigantesque mosquée de Dakar au beau milieu d’un îlot de misère. Heureusement, cette fièvre des mosquées n’a pas duré dans le monde musulman ; mais l’Algérie est à l’heure de l’Algérie, pas à celle du monde… Ni Hassan Il, ni Saddam, ni Kadhafi n’ont jugé utile de demander à leurs ministres du culte si pareils projets, irrationnels sur le plan économique, étaient au moins conformes aux préceptes de la religion. Mais ces responsables du culte savent-ils que le gigantisme est inconnu dans l’histoire de l’art islamique ? Savent-ils que l’art musulman a privilégié la beauté, la nécessité et l’utilité à tout autre paramètre de dimension ou de prestige ? Qui aurait osé dire à Saddam ou à Hassan Il que si les dictateurs du Brésil ont construit des stades pour détourner le peuple de la politique, au moins il en est sorti des Pelé ! Il n’est pas étonnant que les prêcheurs et imams connus de l’Islam n’aient jamais abordé ce sujet qui les dépasse, faut-il dire, car aucun d’eux ne connaît l’histoire de l’art Impôts aidant, Hassan Il a fini par avoir la plus grande mosquée du monde islamique après celle de la Mecque mais son édifice est loin d’avoir la beauté des anciennes et petites mosquées de Fès ou de Casablanca. De plus, la mosquée Hassan Il n’est jamais pleine car après la curiosité du début, les fidèles ont préféré retourner aux petits lieux de culte de leurs quartiers. Néanmoins, le pouvoir marocain peut se consoler que sa mosquée soit devenue un site touristique obligé des tour-opérateurs car elle a au moins cette finalité d’attirer les touristes peu exigeants en matière d’art et qui n’apprécient que la démesure et le tape-à-l’œil, tout en appréciant un merveilleux site naturel qu’elle n’a point gâché.

La concurrence par le gigantisme

Le minaret de la mosquée de Casablanca culmine à 210 mètres, mais celui proposé pour l’édifice algérien aura 15 mètres de plus, semble-t-il ! Marocains et Algériens veulent-ils nous faire croire que l’architecture consiste en des chiffres et des records ? Nul ne s’émerveille devant la hauteur en architecture depuis que Filippo Brunelleschi a édifié une très haute coupole à la cathédrale de Florence (un dôme terminé en 1434), depuis la Tour de Pise et surtout depuis les gratte-ciel de New York et Chicago et après la Tour Eiffel. Aujourd’hui, les architectes admettent avec humilité que les premiers vrais défis relevés en hauteur ont été réalisés au Yémen avec des matériaux mille fois plus fragiles que ceux d’aujourd’hui et surtout avec les Pyramides, qui ont continué à être les édifices les plus hauts jamais construits jusqu’au début du XXe siècle. Nul n’aurait essayé de les détrôner, n’était le besoin d’habiter en hauteur, de gagner de l’espace à la verticale pour préserver la terre, pourtant point rare aux USA. Plus méritoire est le défi technique du Danois Otto Van Spreckelsen dans l’Arche de la défense de Paris avec des portées d’une longueur exceptionnelle. Cette arche, qui ne fait que 106 m de haut, est pourtant un chef-d’œuvre, tout comme l’est la petite pyramide du Japonais I.M. Pei, au Louvre ! Et nous avons un exemple magnifique de son travail à l’université d’Oran, construite sous Chadli. Ce n’est pas la taille qui fait la beauté d’un édifice mais cette harmonie des formes, des proportions, des matériaux et des couleurs que lui octroie l’architecte et qu’on appelle esthétique. Le rêve marocain d’avoir la deuxième plus grande mosquée du monde risque d’être éphémère car Alger veut lui ravir ce rang. Le minaret de la Mosquée Hassan est équipé d’un rayon laser visible à 30 km à la ronde et indiquant la direction de La Mecque ! Celle d’Alger aura aussi son laser, semble-t-il. Quel gâchis pour indiquer la direction de la qibla, alors que même un aveugle peut savoir où est l’est ! L’esplanade de la mosquée marocaine peut accueillir 80 000 personnes, et celle d’Alger veut accueillir tout autant ! Haute de 60 mètres, la salle de prière de la mosquée de Casa peut accueillir 25 000 fidèles, et pour détrôner celle-ci, les Algériens offrent 5000 places de plus, selon l’ancien projet soumis par un architecte et publié dans El Watan en 2005. C’est l’architecte français Michel Pinseau qui a réalisé la Mosquée Hassan en collaboration avec Bouygues. Pour plaire au roi, Pinseau n’a pas réalisé son édifice au Maroc dans son style moderne habituel, préférant l’argent à son honneur d’artiste et de créateur. Et si la démesure a trôné dans cet édifice « royal », admettons cependant que Pinseau l’a parfaitement intégré dans l’espace, face à l’océan. Sur le plan esthétique, il est archaïque mais reconnaissons également que le savoir-faire de Bouygues a été ajouté au génie des artisans marocains qui sont les seuls méritants dans ce travail sans lequel l’édifice ne vaut absolument rien, voire qui ont sauvé une énorme laideur, bonne uniquement pour les touristes sans goût. La mosquée Hassan Il ne cadre pas avec l’art maghrébin : financée en partie par les Saoudiens, ces derniers en ont apparemment influencé le style, pour le faire pencher vers l’Orient. Salafisme quand tu nous tiens, même par l’architecture ! L’artisanat traditionnel marocain a cependant sauvé la face. L’un des plus développés du monde, cet artisanat est et reste intimement lié à l’architecture de ce pays qui n’a jamais laissé péricliter ses anciens métiers. Le marbre, les stucs, les verreries, les moucharabiehs en cèdre, en ébène et en acajou, les boiseries, les céramiques dignes des anciennes mosquées maghrébines et même les lustres de la mosquée Hassan Il sont l’œuvre des 10 000 artisans qui se sont relayés jour et nuit pendant plusieurs années pour habiller et meubler les intérieurs et les extérieurs de l’édifice marocain. L’Algérie est loin d’avoir pareil potentiel et savoir-faire en matière d’artisanat, voilà pourquoi la future mosquée d’Alger sera probablement un énième édifice habillé avec du toc d’importation, voire de mauvais goût ! Mais ne jurons de rien.

L’art musulman est fonctionnel

En 1999, la mosquée de la zaouia alaouia de Mostaganem a été décorée par des artisans marocains. Dans la mesure où le style maghrébin est identique dans les deux pays, espérons — au cas où cet édifice serait malheureusement construit – que l’Algérie leur fera appel. Espérons aussi que le projet algérien ne serait pas réalisé dans l’obsolescent et archaïque style arabo-mauresque, et que l’imaginaire de nos responsables puisse dépasser le passé et le connu. L’art universel islamique avec ses déclinaisons maghrébines est certes riche mais faire comme les Marocains serait les imiter dans toutes leurs erreurs. En tout cas, si le roi Hassan Il a opté pour un style dépassé mais opulent et hautain, à l’image de la monarchie, c’est probablement aussi par idéologie, Hassan Il étant un homme cultivé qui cultivait le passé et avait une démarche, fut-elle passéiste. En outre, aussi mégalomaniaque puisse-t-elle être, sa mosquée s’inscrit dans un vaste projet d’aménagement urbain, ce qui ne semble pas être le cas d’AI Ad’ham. Mais l’Islam tolère-t-il le prestige quand le fonds manque le moins ? Autrefois, les chefs Incas bâtissaient des temples sans tenir compte du nombre d’humains sacrifiés à cette fin. Nous ne parlons pas des Pharaons, car il semble qu’ils furent plus justes envers les ouvriers des pyramides. La beauté d’un édifice musulman, a fortiori une mosquée, réside dans sa simplicité, sa fonctionnalité et sa juste dimension, étudiée selon les besoins immédiats des fidèles. Les princes et les rois, qui ont élevé des mosquées au cours des siècles passés, n’ont jamais essayé de se faire passer pour autre chose que les « serviteurs d’Allah ». Leurs édifices prouvent qu’ils se sont effacés devant les architectes qui, eux, ont laissé leur génie et leur spiritualité s’exprimer. Or, dans le gigantisme de la mosquée Hassan Il, on ressent comme une velléité du roi de laisser une trace pérenne, pour ne pas dire éternelle, dans le site. Comme lisant dans les pensées du roi, l’architecte français a pu restituer cette velléité du monarque. Or, jamais dans ou devant les mosquées réalisées auparavant (y compris la mosquée d’Omar d’El Qods, la mosquée des Omeyyades de Damas, la mosquée de Cordoue, celle de Kaïraouan, Ketchaoua ou la mosquée de Nouakchott, par exemple), on ne pense aux souverains qui les ont édifiées, mais seulement à Dieu. On ne pense pas non plus à l’architecte qui les a édifiées, car ce dernier cherchait à s’effacer derrière la symbolique du lieu de culte. Mais on ne peut s’empêcher de penser à Hassan Il quand on regarde la mosquée de Casa ! L’art musulman a ses règles et ses lois ; il déteste le gigantisme et lui préfère la pureté, la simplicité et la finesse. L’exception est justifiée à la Mecque et à Médine où le grand nombre de pèlerins (la nécessité : un maître-mot dans l’Islam) autorise le monumentalisme, même s’il nuit à la pureté et à la finesse des formes et des proportions de l’art islamique. Or, l’édifice musulman est supposé être à dimension humaine, même si sa symbolique renvoie au divin. le défi (non relevé) dans le projet marocain ou algérien aurait résidé en l’apport d’un style personnel, en un génie architectural dramatiquement absent dans les milliers de constructions hideuses que subit notre pays depuis 40 ans. les meilleures mosquées algériennes réalisées depuis l’indépendance se trouvent dans les villages socialistes, la plus proche d’Alger étant celle du village socialiste de Zéralda. Et les quelques exceptions architecturales réalisées dans notre pays depuis 1962 sont l’œuvre d’architectes qui sont restés anonymes dans leurs bureaux d’études étatiques ou privés ainsi que celles des quelques architectes étrangers qui ont réalisé les Å“uvres que l’on sait : Bab Ezzouar pour Oscar Niemeyer, l’université d’Oran pour IM. Pei, les complexes touristiques d’Alger et de Tipaza pour Fernand Pouillon et c’est tout ou presque. Alors que les réalisations architecturales dignes de ce nom se comptent sur les doigts d’une seule main dans notre pays, allons-nous rater l’occasion de sortir de la médiocrité ? Une médiocrité visible également aux Grands Vents qui, au lieu d’être une aubaine pour les paysagistes du monde entier, ont été transformés en un mauvais alignement de palmiers ! Mais qui en parle ? Pourquoi nos architectes ne parlent que lorsqu’il est trop tard ? Où sont nos urbanistes ? Qui a parlé du projet consistant à truffer la capitale d’immenses tours, pour en faire un Chicago, un Singapour ou un Qatar ? Les Grecs voudraient-ils défigurer Athènes ? Qui voudrait défigurer Tunis, Rabat ou Marseille avec des tours ? Alger la Blanche transformée en ville kitch de métal et d’acier, personne n’en parle ! Parce que Casa a une mosquée… Puis, parce que Qatar a des tours… Comme si l’essentiel dans ce pays à économie fulgurante était ses tours ! Ou qu’on arriverait l’égaler en truffant Alger de gratte-ciel ! Il est d’ailleurs étonnant qu’on ait réalisé un ministère des Finances moderne et que pour une réalisation de l’envergure d’AI Ad’ham, l’on fasse les frais d’un appel d’offres vraiment international. D’immenses architectes, y compris arabes et musulmans, auraient aimé offrir à l’Algérie « sa grande mosquée » sans que le gigantisme ne prenne le dessus sur la beauté, la spiritualité et la modernité, c’est-à-dire sur l’âme d’un lieu de culte.

Les missions de l’imam sont abolies

Les quelques maquettes récemment publiées dans la presse montrent que l’on veut retomber dans les erreurs marocaine et irakienne, en revenant au passé pour masquer un réel manque d’imagination. A quoi nous sert une mosquée sans âme qui n’est ni du passé ni du présent, qui n’a médité ni l’histoire ni ne la transcendée pour nous élever vers le divin et projeter dans le futur ? Ce n’est pas un minaret de 225 m (un record inutile et injustifié aussi bien esthétiquement, philosophiquement et techniquement car le muezzin n’a pas besoin de monter si haut pour appeler à la prière puisqu’il utilise un micro connecté à un haut-parleur) qui fera la beauté d’Al Ad’ham. Et cet imam, comment lui parler ? Comment communiquer avec lui ? Prier consiste-t-il à regarder l’imam avec une paire de jumelles comme on regarderait Mick Jagger ou un télévangéliste ? Et la dimension humaine de la mosquée ? Et sa dimension sociale ? L’imam est un guide spirituel qui est également supposé faire le lien entre les hommes. Il est supposé parler aux fidèles et les appeler par leurs noms, il est sensé connaître leurs préoccupations personnelles pour les aider, pour régler des différends, conseiller individuellement… la mosquée fait le lien à travers l’imam, or là les missions du « guide spirituel » sont abolies ! Est-ce une mosquée ou un stade ? Ce n’est pas le minaret qui fait la mosquée mais la mosquée qui édicte le type de minaret, si tant est qu’on en ait besoin aujourd’hui, car à l’heure de l’électricité, la mosquée ne nécessite pas de minaret. Nos architectes ne voient-ils pas que l’église du Sacré CÅ“ur d’Alger n’a pas de clocher ? Ni nos architectes ni le ministère chargé du culte ne se sont posés ces questions car ils n’ont fait qu’imiter les Saoudiens et autres orientaux depuis 20 ans au moins. A part les quelques exceptions citées plus haut, la plupart des mosquées construites depuis 1962 en Algérie sont réalisées dans un style dépassé et obsolète qui, de surcroît, n’a rien à voir avec le style maghrébin développé par nos ancêtres qui ont su se distinguer du Moyen et de l’Extrême-Orient. On croit normal de construire, à Ghardaïa, une mosquée qui ressemble aux anciennes, mais ce passéisme est moins grave que l’importation d’un style étranger. En s’inspirant de l’architecture saharienne et malienne pour dessiner la mosquée de Hydra (Alger), le Corbusier a compris cela il y a des décennies . Son magnifique édifice reste à ce jour l’un des plus beaux lieux de culte modernes algériens, loin devant la gigantesque Université coranique de Constantine, pompeusement appelée « Å“uvre d’art ». Un muezzin doit-il monter au ciel pour faire entendre sa voix aux fidèles ? Est-il censé être entendu par Dieu ou par les hommes ? Le minaret n’a donc aucune fonction symbolique ; il est issu du besoin de faire porter la voix du muezzin, ce besoin n’existant plus aujourd’hui, car des appareils électroniques l’ont rendu inutile. Un lieu de culte se construit avec le cÅ“ur et la sensibilité, pas avec des chiffres démesurés. Sa beauté réside en son harmonie avec le cosmos : d’abord avec un environnement qu’il ne doit aucunement déranger, et avec des hommes qu’il ne doit point perturber. Une mosquée ne gêne pas la tranquillité et le bien-être des gens ; au contraire, elle s’inscrit dans leur milieu pour l’améliorer, comme le doit être tout projet humain. Si AI Ad’ham ne s’intègre pas dans un plan d’aménagement global, par sa démesure il mettra un terme à la tranquillité des riverains tout en défigurant le site et le panorama algérois dans sa plus belle perspective. Une mosquée n’est pas faite pour écraser les hommes mais pour qu’ils s’y sentent comme chez eux ou mieux que chez eux. A-t-on oublié comment le Prophète a fait construire sa mosquée ? Là où la chamelle s’est arrêtée… Et avec quels matériaux ? Un lieu de culte musulman n’est pas un temple dédié à un dieu mais un lieu où l’on prie Dieu. Ses dimensions doivent être à l’échelle humaine, pas à l’échelle pharaonique afin de ne pas écraser l’individu ou lui donner l’impression d’être une créature lilliputienne. Car en Islam, l’homme est grand et possède sa dignité. Par sa taille, la mosquée est censée préserver l’intégrité physique, morale et spirituelle de l’homme, et non pas le réduire à une portion d’atome écrasée sous un poids immense et incommensurable. Rien n’écrase l’homme dans les anciennes mosquées. Et en Islam, même la nature n’est pas faite pour écraser l’homme, comme en témoigne le traitement de l’homme face à celle-ci dans la miniature depuis Behzâd à AI Wassiti ou Racim.

Économie d’énergie et Islam

Ce n’est pas par la taille que la mosquée évoque l’esprit et la puissance d’Allah, mais par la beauté et l’harmonie de ses formes, de ses entrelacs, de ses décorations, faïences et céramiques, stucs, luminaires, arcs et colonnes et surtout, par cette lumière et cette sérénité, cette paix et cette sensation de plénitude et de joie qui s’en dégagent. C’est d’ailleurs parce que l’architecture et les décorations des églises étaient tristes et celles de la mosquée joyeuses que les chrétiens (au Moyen-Âge) ont essayé de compenser cela par l’introduction de la musique (clavecin, orgue). Puis, l’architecture des églises a évolué et celle des mosquées a stagné, comme a stagné d’ailleurs l’architecture dans la terre islamique tout entière. Les plus belles mosquées réalisées aux XXe et XXIe siècles sont en France, au Portugal, en Hollande, aux USA, et non pas en terre d’Islam. La symbolique des formes et des décorations des lieux de culte doit s’adapter aux temps d’aujourd’hui : est-il nécessaire de revenir au stuc, aux céramiques et faïences pour rendre l’âme et l’esprit d’une mosquée ? Dans certaines églises modernes, le béton s’est révélé plus noble que ces matériaux. Le verre, les métaux ou les nouveaux matériaux sont entièrement compatibles avec l’architecture d’une mosquée comme le montrent les récents lieux de culte israélites et chrétiens qui, en bons croyants, réfléchissent même à l’économie d’énergie, d’eau. A l’ère de l’éthique écologique et de la lutte mondiale contre le gaspillage, nos lieux de culte, comme d’ailleurs tous nos édifices publics ou privés, ignorent totalement ces principes devenus de véritables tendances culturelles et philosophiques auxquelles sont sensibles même des pays très pauvres. En Egypte, Hassen Fethy a commencé à réfléchir à ces questions dans les années 1960 ! Or, qu’en est-il d’une religion qui n’a pas à l’esprit l’éthique de la préservation de l’énergie, de l’eau, des matériaux de construction.… ?

Ali El Hadj Tahar, Elwatan (Alg) 04/11/2007

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