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Islam, islamisme : un risque de raccourci dans les programmes scolaires

Est-ce raisonnable de parler de l’islamisme sans évoquer l’islam ? » Ouvrant une conférence destinée aux enseignants et formateurs de l’éducation nationale, Dominique Borne, président de l’Institut européen en sciences des religions (IESR), s’est interrogé sur la manière dont cette notion est présentée dans l’enseignement secondaire. « La situation est préoccupante et on sent le malaise des enseignants face à ces sujets. En 5e, on présente « l’islam des origines », un islam monolithique ; en seconde, on aborde « l’islam au XIIe siècle », puis on passe à « l’islamisme » en terminale », déplore cet ancien doyen de l’inspection générale d’histoire et de géographie. Un saut de huit siècles qui laisse dubitatifs les experts sur la bonne compréhension de cette notion, pourtant présentée aux élèves de terminale comme l’un des quatre éléments majeurs des relations internationales depuis 1945 à côté de « la guerre froide », de « l’impérialisme » et du « monde bipolaire-multipolaire » (série technologique), ou comme un axe du « nouvel ordre mondial depuis les années 1970 » (séries L et ES). « Comment éviter les raccourcis et les approximations ? », s’est inquiétée l’une des rares enseignantes présentes à la conférence de l’IESR.

 

 

 

« S’il faut désigner sans complexe les expressions de la religion musulmane qui sont inacceptables et dont nous nous démarquons, il ne faut pas confondre islam et islamisme », a insisté en réponse le chercheur François Burgat. « Pour qualifier un événement politique américain, on ne parle pas d' »américanisme ». Il faut donner à l’islamisme un autre nom et lui trouver une définition plus universelle : parler de sectarisme religieux de l’islam et travailler sur la matrice profane qui conduit à ces errements. Il faut historiciser et contextualiser ce phénomène de radicalisme, et rappeler que la capacité des religions à produire de la violence politique est universelle. »

 

Rejetant aussi l’amalgame entre « musulman », « arabe », « islam » et « islamisme », Mohammad Ali Amir-Moezzi, chercheur à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), a rappelé quelques chiffres : « Moins de 15 % des musulmans sont arabes ; les deux plus grands pays musulmans sont le Nigeria et l’Indonésie. Même si la tendance littéraliste (en vigueur en Arabie saoudite) a le vent en poupe, rappelons que seuls 2 % de la population musulmane peut lire et comprendre le Coran en arabe. »

 

« Il nous faut pouvoir répondre à des questions-clés », a aussi témoigné une enseignante d’histoire dans un collège de la région parisienne, soucieuse de se faire préciser « la différence entre « Frères musulmans et wahhabites » ». « On constate tous les jours dans nos classes la diversité de l’islam. » Une réalité qui, à son regret, n’apparaît pas dans les programmes.

 

 

Stéphanie Le Bars, Le monde, 13/06/2007

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