Sa venue à l’Institut du monde arabe a été ajoutée mardi à l’agenda. Preuve de l’importance pour François Hollande de s’adresser au «monde arabe» – et non aux seuls «musulmans» – après ses hommages de la semaine à la communauté juive, à la police et à l’armée à la suite des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher la semaine dernière. Un geste en direction d’une communauté musulmane, touchée elle aussi par le terrorisme et qui doit subir depuis une semaine les amalgames et la multiplication d’actes visant des mosquées.
«L’islam est compatible avec la démocratie, a souligné le président de la République en ouverture du premier forum international du monde arabe. Les Français musulmans ont les mêmes droits, les mêmes devoirs que tous les citoyens […] ils doivent être protégés». «Ce sont les musulmans qui sont les premières victimes du fanatisme, du fondamentalisme, de l’intolérance», a-t-il affirmé. Exigeant que la population «refuse les amalgames», le chef de l’Etat en a appelé à la «laïcité» et assuré que«l’ordre républicain [sera] exercé fermement». Ceux qui commettent des actes antimusulmans doivent être «punis sévèrement», a-t-il ajouté, rappelant qu’il a déjà , depuis ses vœux, «érigé en grande cause nationale» la lutte contre«l’antisémitisme et le racisme».
LUCIDE
Rendant hommage à cette France «capable de se réunir, de se rassembler», Hollande a aussi loué un monde arabe «capable de se mettre en mouvement» et à «terrasser d’autres forces qui veulent diviser, écarter, séparer». Le chef de l’Etat s’est félicité de ce «symbole» d’une jeune Syrienne ayant posté une photo d’elle depuis Alep et brandissant une pancarte «Je suis Charlie». «C’est aussi le message que tant d’amis arabes nous ont adressé ces derniers jours, soit en venant à la marche, soit de mille façons, a remercié Hollande. Leur présence était non seulement utile mais nécessaire».
Mais Hollande s’est voulu aussi «lucide» : «L’islamisme radical s’est nourri de toutes les contradictions […] de toutes les misères […] de tous les conflits non réglés depuis trop longtemps.» Endossant ses habits de chef des armées, le Président a justifié le fait d’«agir avec la force» au Mali, au Sahel ou «en Irak» pour «porter un coup d’arrêt à Daech». Il a fait la liste des «crises» en «Afrique et au Moyen-Orient» – «Libye, Somalie, Irak, Syrie, Yémen et tant d’autres, sans oublier le conflit israélo-palestinien toujours dans une impasse» – et assuré de son «devoir de solidarité avec les peuples arabes». «La France est à l’initiative pour tout faire pour les régler et prendre ses responsabilités le cas échéant, a-t-il souligné. La France est consciente que ces menaces peuvent venir jusqu’ici. […] Nous devons régler les grandes questions qui provoquent ce désordre.»
«NOUVELLES OPPORTUNITÉS»
«Nos sorts sont scellés», a insisté Hollande, avant une critique de la communauté internationale pour avoir renoncé à intervenir en Syrie en 2013. «Il y a à la fois un régime qui continue à punir sa population et un groupe terroriste qui s’est installé comme son opposition, a-t-il regretté. Terrible tragédie syrienne quand la communauté internationale tarde trop.»
Mais, devant des personnalités représentant, selon lui, le «renouveau» du monde arabe porté par la «jeunesse», les «femmes» et les «entrepreneurs», Hollande a souligné les «nouvelles opportunités», «ces transitions qui s’opèrent prendront du temps». «Le temps, de la renaissance […] est venu, veut-il croire. Ça vaut aussi pour l’Europe et l’ensemble du monde». Le Président a ensuite proposé de«nouvelles orientations pour la coopération entre les deux rives de la Méditerranée» avant de se montrer ferme : «La France est un pays ami mais la France est un pays qui a des règles, […] qui a des valeurs, a-t-il insisté. Et parmi elles, il y en a une qui n’est pas négociable, […] c’est la liberté, c’est la démocratie.»
Lilian ALEMAGNA (Libération)