Gaza, (RFI)- En dépit des pénuries et du bouclage des frontières, un an après sa prise de contrôle de la bande de Gaza par les armes, le Hamas ne montre aucun signe de faiblesse.Depuis un an, les Israéliens ont aggrandi le no man’s land qui sépare Gaza d’Israël.
Des affrontements du mois de juin 2007 qui ont vu les islamistes du Hamas renverser l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, il ne reste que quelques façades d’immeubles trouées d’impacts de balles. Les hommes en armes qui peuplaient les rues de Gaza ont disparu, laissant la place à la police du Hamas qui circule dans les voitures confisquées aux forces de sécurité loyales au président Mahmoud Abbas. « Honnêtement, vivre sous un gouvernement Hamas ne m’enchante pas, mais je leur confie volontiers le ministère de l’Intérieur. Ils sont beaucoup plus efficaces que le Fatah », confie un juriste de Gaza, pourtant peu suspect de sympathie pour les islamistes.
Si le coup de force du Hamas a mis fin au chaos sécuritaire qui régnait dans la bande de Gaza, il a aussi conduit à un blocus presque hermétique. Déclaré « entité hostile » par le gouvernement israélien, le territoire vit coupé du monde. Les points de passages avec Israël et l’Egypte sont fermés. Des dizaines de milliers de personnes, détenteurs d’un passeport ou d’un visa pour l’étranger, attendent depuis un an de pouvoir quitter Gaza, pris au piège du blocus. Les marchandises ne rentrent qu’au compte-gouttes. Le marché noir fonctionne à plein. « Nous avons toujours eu des hauts et des bas dans nos relations avec Israël, mais ça n’a jamais été comme ça. Tout ce que nous consommons vient d’Israël et ils ont quasiment fermé la porte », se désole Dorgham Bessesso. Depuis quelques semaines, ce chauffeur de taxi n’a d’autre choix que de laisser sa voiture au garage, faute de carburant. Israël ne livre plus que des quantités limitées (voir encadré).
L’huile de cuisine qui remplace le carburant manquant, se vend désormais un peu partout à Gaza.
(Photo : RFI/Catherine Monnet)
Au ministère des Transports, une foule excédée se bouscule devant les guichets installés par l’administration Hamas, cartes grises à la main, dans l’espoir obtenir de précieux coupons d’essence. Certains attendent depuis plusieurs heures. « Nous avons été contraints de mettre en place un système de rationnement. Les taxis ont droit à 40 litres de carburant par semaine, les voitures individuelles à 10 litres toutes les quinze jours », justifie le directeur du service, Hassan Okasha. « C’est vrai que la vie est très dure, mais je ne blâme pas le Hamas. Le vrai responsable c’est Israël ! », tonne Abdallah Hazin dans la file d’attente, résumant un sentiment largement partagé.
En dépit du blocus, le Hamas ne montre aucun signe de faiblesse. « La politique d’isolement a échoué. Nous sommes toujours là et nous n’avons pas fait de compromis sur nos principes », assure Ahmed Youssef l’un des hauts responsables du mouvement islamiste reconnaissant tout de même que « l’année a été très dure ». Les négociations avec le Fatah pour une éventuelle réconciliation sont au point mort et le Hamas est régulièrement accusé par les organisations de défense des droits de l’homme d’arrestations arbitraires et de tortures sur les opposants. « C’est l’une des années les plus noires depuis vingt ans », assure le Centre palestinien pour les droits de l’homme, basé à Gaza, qui condamne également les arrestations massives en Cisjordanie.
Les chauffeurs de taxi sont contraints de rajouter de l’huile de cuisine pour continuer à circuler.
(Photo : Catherine Monet / RFI)
Contrairement aux attentes, le Hamas n’a pas cherché à imposer un agenda islamiste. Tout juste a-t-il instauré des mesures symboliques comme des réductions de peine pour les prisonniers qui apprennent le Coran, un filtre empêchant la consultation des sites pornographiques sur le web et des opérations contre les trafiquants de drogue. « Nous ne sommes pas les Talibans », sourit Ahmed Youssef qui se réjouit des contacts entretenus avec les pays occidentaux, malgré l’embargo diplomatique qui frappe le mouvement islamiste, considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis. « De nombreux pays ne veulent pas suivre la politique criminelle de l’administration Bush. En coulisse, nous voyons beaucoup de monde, même s’ils choisissent de ne pas le rendre public », se félicite-t-il. Car même isolé, même soumis à l’opprobre international pour ses positions radicales envers Israël, le Hamas demeure un acteur incontournable, sans lequel aucun règlement ne peut se faire à Gaza.