NANCY, (AFP) –La propriétaire d’un gîte de Julienrupt (Vosges) et l’une de ses cliente,s qui l’accuse de lui en avoir refusé l’accès parce que sa mère et elle portaient le voile islamique, ont été présentées mercredi à la Cour d’appel de Nancy comme les « martyres » d’un procès qui les dépasse.
Le 2 octobre, la comparution de la propriétaire en première instance devant le tribunal correctionnel d’Epinal avait entraîné un débat houleux et très médiatisé sur la laïcité et les valeurs de la République, assez éloigné de l’incident qui avait à l’origine motivé les poursuites judiciaires.
Yvette Truchelut était jugée pour avoir refusé l’accès à son gîte à Horia Damiati et sa mère, ainsi qu’aux cinq personnes – dont un nourrisson et un adulte handicapé – les accompagnant, parce que les deux femmes n’acceptaient pas d’ôter leur voile islamique comme elle le leur avait demandé.
« Je ne leur ai pas refusé le gîte. J’ai demandé qu’elles retirent leur voile dans les parties communes », a précisé la propriétaire à l’audience, ce qui a été contesté par Horia Damiati.
La prévenue avait été condamnée le 9 octobre à quatre mois de prison avec sursis pour discrimination religieuse et au paiement de 4.400 euros d’amende aux différentes parties civiles qui, à l’instar de la propriétaire, avaient fait appel de cette décision.
Mme Truchelut, à la suite de l’affaire, s’est séparée de son conjoint, puis a fermé son gîte. Elle a en outre été « couverte d’injures », a déploré son avocat, Me Benoît Chabert.
Mme Damiati, auditeur financier au solide parcours universitaire, qui avait affirmé porter le voile « par choix », a été traitée d' »intégriste » sur internet. Elle a porté plainte à Bobigny après avoir reçu de nombreuses lettres anonymes, a souligné Me Michel Tubiana, avocat de la Ligue des droits de l’Homme, l’une des parties civiles.
Des « faux-nez » féministes et laïques ont été mis « après coup » à Yvette Truchelut, dont les arguments « fleurent moins le MLF (Mouvement de libération de la femme) que le MPF (Mouvement pour la France) », a déclaré Me Grégoire Bouvier, l’avocat de la Licra, autre partie civile.
La propriétaire du gîte avait été gracieusement défendue en première instance par Me Alexandre Varaut, l’avocat du président du MPF Philippe de Villiers, ce qui avait contribué à politiser l’affaire.
Me Chabert a demandé que soit jugée « la femme, pas la cause », réclamant la relaxe pour des motifs « juridiques » et non « idéologiques ».
« Le dossier a été monté en sauce, ce qui à un moment a donné lieu à des débordements », a reconnu l’avocat général Philippe-Cédric Laumosne, s’étonnant de la présence « en masse » dans la salle de « deux camps » venus « soutenir leur challenger ».
« Mais il ne faut pas faire de martyres, que ce soit du côté des partisans du port de signes religieux ou de ceux de la laïcité », a affirmé le magistrat, qui n’a pas requis d’amende à l’encontre de Mme Truchelut et à laissé une éventuelle condamnation à une peine de prison « à l’appréciation de la cour ».
La Cour rendra son arrêt le 8 octobre.