COPENHAGUE (AFP) – Dix-sept journaux danois, dont les trois plus grands quotidiens nationaux, ont publié mercredi, au nom de la liberté d’expression, une caricature du prophète Mahomet réalisée par un auteur qui était la cible d’un attentat, déjoué mardi par la police.
Le dessin en question – la tête du prophète coiffée d’un turban en forme de bombe à la mèche allumée – est l’une des douze caricatures de Mahomet qui avaient été publiées en 2005 par le journal Jyllands-Posten, provoquant le courroux du monde musulman.
Mardi, la police a arrêté un Danois d’origine marocaine et deux Tunisiens qui projetaient d’assassiner Kurt Westergaard, l’auteur du dessin satirique reproduit mercredi.
Parmi les 17 journaux figure le grand quotidien conservateur Berlingske Tidende qui a décidé pour la première fois de publier ce dessin très controversé afin de montrer, à l’instar des autres journaux, son refus de l’autocensure après les menaces de mort contre M. Westergaard, un dessinateur de la presse.
« La liberté d’expression donne le droit de penser, de parler et de dessiner ce qu’on veut (…) et tous les plans terroristes n’y changeront rien », écrit le quotidien dans un éditorial, appelant « les médias danois à être unis contre le fanatisme ».
Le tabloïd Ekstra Bladet a lui reproduit les 12 dessins de Jyllands-Posten.
La communauté musulmane, tout en prenant ses distances par rapport au projet d’attentat dont M. Westergaard était la cible, est contre la publication de son dessin satirique.
L’imam Walid Abdoul Pedersen, un protestant converti à l’islam, pense que que « ce n’est pas une bonne idée de le reproduire et les journaux auraient pu soutenir le dessinateur d’une autre manière sans recourir à la provocation », a-t-il déclaré à l’AFP.
« C’est bien d’engager un dialogue sur la liberté d’expression, mais sans chercher la confrontation dès le début », a-t-il estimé, n’excluant pas « des réactions négatives à l’étranger ».
Le ministère des Affaires étrangères a de son côté indiqué « suivre de très près l’évolution de la situation dans le monde », selon Uffe Wolffhechel du service consulaire, mais n’a pas changé ses conseils aux voyageurs à destination des pays musulmans.
En janvier et février 2006, au plus fort de la crise des caricatures, de nombreux musulmans en colère s’en étaient pris aux intérêts danois, attaquant des ambassades, brûlant des drapeaux du royaume scandinave et proférant des menaces de mort.
La presse danoise était unanmine mercredi à condamner le projet d’attentat, considéré comme une attaque contre la démocratie.
Même le journal de référence Politiken (centre gauche), le plus critique envers « les dessins provocateurs », selon lui, de Jyllands-Posten, s’est rallié à ces condamnations.
Les arrestations de mardi « sont profondément choquantes et inquiétantes. Cela montre qu’il existe des islamistes fanatiques prêts à mettre les menaces à exécution, et qu’il y a des gens dans ce pays qui ne respectent ni la liberté d’expression, ni la loi », note son éditorialiste.
« Indépendamment du fait que Jyllands-Posten, en son temps, a utilisé la liberté d’expression à la fois de manière déraisonnable et avec des conséquences néfastes, le journal doit bénéficier d’une solidarité sans conditions lorsqu’il est menacé de terrorisme », souligne-t-il.
Cependant Politiken, tout comme plusieurs partis de centre gauche et Amnesty International, a vivement critiqué la décision d’expulser sans jugement les deux ressortissants tunisiens, annoncée mardi.
Je suis content que l’Europe décide enfin de riposter : y’en a marre, y’en a marre !