Après plus dune décennie de crimes et de dévastation commis au nom de la religion, Youcef Al Qaradaoui, président de lAssociation mondiale des ouléma musulmans, installé au Qatar, découvre le terrorisme et réagit avec une virulence des plus extrêmes contre les attentats suicide en Algérie.
Sa dernière déclaration diffusée intégralement par lUnique [TV algérienne], lundi, lors du journal télévisé, qualifie les groupes islamistes armés de khawaridj (ceux qui sont opposés à la désignation de Ali Ibn Talib en tant que calife). Mieux, Al Qaradaoui découvre depuis les attentats du 11 septembre 2001 les versets coraniques et les hadiths qui prouvent que lIslam interdit formellement les tueries. Lui qui avait cautionné le terrorisme en Algérie, présenté comme étant une guerre entre « les musulmans et les laïcs ». Interpellé à plusieurs reprises par la situation, il appelait à chaque fois au dialogue avec les groupes islamistes quil qualifiait de « valeureux enfants qui défendent leur religion ». En tant que référence salafiste au même titre que les Saoudiens Ibn Outhaïmine et le défunt Ibn Al Baz, il a de tout temps indirectement encouragé les actes criminels commis au nom de la religion, jusquà ce que ces mêmes « enfants valeureux qui défendent lIslam » se retournent contre les Etats-Unis dAmérique qui les ont financés pour combattre les Russes en Afghanistan et contre lArabie Saoudite qui les a endoctrinés pour les transformer en « djihadistes ». Les attentats du 11 septembre 2001 contre lAmérique ont marqué la fin de cette alliance et obligé de nombreux ouléma de lassociation mondiale à se démarquer des groupes « djihadistes ». Si certains dentre eux comme Al Outhaïmine et Al Qaradaoui ont révisé plus ou moins leurs positions par rapport à la salafiya dite djihadiya, Ibn Al Baz est resté attaché à cette doctrine jusquaux derniers moments de sa vie. Cest sur son lit de mort que des responsables algériens lui ont arraché une déclaration filmée, dénonçant le recours au terrorisme en Algérie, vers la fin des années 1990. Al Qaradaoui, âgé de 81 ans, membre de la confrérie des Frères musulmans égyptiens, admirateur de Hassan Al Banna et dIbn Taymiya, a connu lAlgérie des années 1980, lorsquil enseignait à luniversité de Constantine où il a côtoyé les premiers noyaux islamistes qui activaient clandestinement dans ce lieu de culte. Ses dernières déclarations sur la situation en Algérie, même si elles viennent en retard, laissent quand même un sentiment de suspicion dans la mesure où tout en qualifiant les groupes islamistes armés de khawaridj, qui nont aucune référence islamique, il les a mis dos à dos avec les laïcs, comme si les « laïcs » commettent des attentats suicide ou recourent au terrorisme. Il est vrai quAl Qaradaoui na fait que reprendre les propos du président de la République, lui-même convaincu que les « laïcs » sont dans les rangs du GSPC. Mieux, Al Qaradaoui appelle « les égarés à revenir à la raison, à se repentir et à se conformer à la religion », alors que dans la littérature intégriste diffusée sur le site web du GSPC, il est fait souvent référence à ses fatwas et interventions durant les années 1990 pour expliquer le recours aux attentats suicide, aux assassinats et autres actes terroristes. Lintérêt porté par cet ancien imam à la situation en Algérie est, faut-il le rappeler, la résultante des relations assez particulières quentretient le président de la République avec lémir du Qatar, cheikh Ben Mohamed Al Khalifa. Ce dernier a envoyé un avion privé jusquen Egypte où Al Qaradaoui a fait une escale de quatre jours après son départ dAlger (le 4 septembre) pour le ramener à Doha, capitale qatarie, le 8 septembre. Al Qaradaoui a eu un malaise à Alger et a été transféré à lhôpital militaire de Aïn Naâdja où il a été soigné et a reçu même la visite de Bouteflika. Peut-on dire que sa relation avec ce dernier a fait basculer plus ou moins sa position par rapport à lislamisme armé ?
Salima Tlemçani, El Watan (Algérie) 19/09/2007
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