PARIS (AFP) –Une pétition pour la défense de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique, lancée à la suite de la convocation de l’un des leurs devant la commission de discipline du CNRS, a recueilli 3.500 signatures, a annoncé mardi le Collectif à l’initiative de cette action.
Vincent Geisser, chercheur spécialiste de l’islam au CNRS, est convoqué le 29 juin devant la commission administrative paritaire de cette institution, « à la suite de propos calomnieux et injurieux qu’il a tenus envers le fonctionnaire de sécurité et de défense du CNRS dans l’exercice normal de ses fonctions », précise le CNRS dans un communiqué.
Vincent Geisser avait écrit dans un mail, repris ensuite sur un blog « le FD (fonctionnaire de défense) est un idéologue qui traque les musulmans et leurs amis comme à une certaine époque on traquait les Juifs et les Justes ».
« Le CNRS ne peut tolérer de tels agissements envers aucun de ses agents, notamment envers un responsable en charge de veiller à la sécurité du personnel du CNRS et de son patrimoine scientifique », ajoute le communiqué du CNRS.
De son côté, le Collectif pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs parle de « 5 ans de harcèlement sécuritaire » à l’encontre de Vincent Geisser de la part du fonctionnaire de défense Joseph Illand, en raison d’une enquête sur « les enseignants-chercheurs issus des migrations maghrébines », considérée comme « sensible » sur le plan de la sécurité.
Le Collectif (http://petition.liberteintellectuelle.net) publie également un témoignage du sociologue Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS, pour qui il ne s’agit pas « d’un conflit personnel » entre Vincent Geisser et le fonctionnaire de défense « mais bien d’une attaque systématique envers les chercheurs qui refusent les clichés sur l’islam ». Et il raconte avoir lui-même reçu un mail de M. Illand lui reprochant de « mieux traiter l’islam que le christianisme ».
Dans une lettre ouverte à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, le Collectif conteste l’obligation de réserve appliquée aux chercheurs. « Si la liberté est nécessaire pour penser et écrire, il va de soi que l’obligation de réserve » (…) ne peut aucunement s’appliquer aux intellectuels « sauf à n’attendre d’eux que la reproduction d’une doctrine officielle et stérile ». Le Collectif refuse que les chercheurs soient « de simples courroies de transmission des idées qui ont l’agrément de nos dirigeants et des institutions qui nous emploient ».
Dans la réponse, la ministre assure Esther Benbassa, historienne sociologue et porte-parole du Collectif, qu’il est de sa « responsabilité de garantir la liberté de pensée et d’opinion des chercheurs » mais refuse de s’exprimer « sur un litige qui donne actuellement lieu à une procédure judiciaire ».
Enfin le Collectif a écrit à Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, lui demandant « que la nature et l’étendue des attributions du fonctionnaire de défense soient très rigoureusement définies et limitées et que toute intervention de ce fonctionnaire dans les recherches conduites par les laboratoires et par leurs membres soit purement et simplement interdite ». Il demande également « l’annulation immédiate de la procédure disciplinaire » engagée contre Vincent Geisser.
Mardi, la présidente du CNRS n’avait pas fait connaître sa réponse à cette lettre ouverte.
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