(Swissinfo)- Il n’a pas beaucoup de place pour s’étaler, mais c’est un vrai trésor de quelque 15’000 objets du Proche Orient ancien que détient l’Université Miséricorde. Un musée qui raconte les racines communes des trois religions monothéistes, et veut encourager le dialogue entre elles.
C’est un des plus petits musées du pays, mais certainement pas le moins riche. Les pièces uniques qui en forment les collections vaudraient ensemble près de 8 millions de francs. Mais pour l’heure, une petite partie seulement peut en être montrée dans les vitrines qui ornent un hall du bâtiment historique de l’Université de Fribourg, siège de l’Institut des études bibliques.
En attendant de déménager un jour peut-être de quelques dizaines de mètres dans la Tour Henri, vestige des fortifications médiévales de la cité, le Musée Bible+Orient se contente donc d’une exposition permanente en quelques vitrines élégantes et d’expositions temporaires dans les couloirs de l’Institut. Et il emmène également ses trésors sur la route, pour des expositions mobiles en Suisse et à l’étranger.
La visite de swissinfo sur les lieux avec Thomas Staubli, professeur d’Ancien Testament et directeur du Musée, débute par les «1001 amulettes» de l’exposition temporaire du même nom.
La délicatesse des formes et le charme des couleurs frappent l’œil qui découvre les amulettes de turquoise de l’ancienne Egypte ou les colliers antiques dont on jurerait qu’ils ont inspiré les designers de la joaillerie contemporaine.
L’exposition comprend également une série de sceaux plats et cylindriques, des scarabées égyptiens, des amulettes trouvées en Palestine et vieilles de 3700 ans, et d’autres d’Iran et de Syrie, qui remontent même au cinquième et au sixième millénaire avant notre ère.
55 siècles de continuité
Ce qui frappe dès la première vitrine, c’est le lien évident entre les amulettes anciennes et ce que l’on pourrait nommer les amulettes contemporaines. Un voile antique, décoré d’amulettes et de pièces de monnaie et portant le nom de Dieu, est ainsi placé à côté d’une boîte de médicaments placebo.
Croire en le pouvoir des charmes pour protéger le corps et redonner confiance n’est pas simplement une vieille tradition, c’est une constante, qui s’est maintenue pendant 55 siècles, de l’Egypte des pharaons, de l’Orient et de la Mésopotamie jusqu’à nos jours.
«Les trois pierres qui ornent le côté gauche de ce voile protègent la femme de ce qu’elle ne peut pas voir, tandis que les pièces la protègent aussi parce qu’elles portent le nom de Dieu», explique Thomas Staubli.
«Dans nos sociétés, poursuit le professeur, nous avons d’autres manières de nous protéger. Nos amulettes s’appellent par exemple médicaments placebo. Il a été prouvé que si le patient croit que ce sont vraiment des médicaments, ils ont un effet sur lui, exactement comme une amulette».
L’héritage de Canaan
De l’exposition temporaire, nous passons au cœur du Musée: le petit hall d’exposition avec ses vitrines éclairées et ses tiroirs où les collections s’empilent en vrac. Celles-ci sont réparties en quatre catégories: Egypte ancienne, Proche Orient, monde hellénistique et manuscrits.
Des exemplaires de la Torah, de la Bible et du Coran côtoient les dieux et les déesses du panthéon égyptien, incarnés dans différentes formes humaines et animales, invitant le visiteur à découvrir les histoires derrières ces témoins d’une partie du monde «que le Musée veut honorer».
«On ne parle presque jamais de la culture qui s’est développée entre la Mésopotamie et le Nil, à savoir celle de Canaan, note Thomas Staubli. C’était pourtant une magnifique civilisation, qui a produit des choses dont nous bénéficions encore, comme l’alphabet inventé par les Cananéens, ou la domestication d’animaux comme la chèvre, le mouton et l’âne».
«Nous étudions la Bible dans son contexte, ajoute le directeur du Musée, et pas seulement comme un texte sacré qui est tombé du ciel».
Le lien vertical
Pour lui, il existe un lien vertical entre chrétiens, musulmans et juifs, ainsi qu’entre les trois religions et l’héritage de Canaan.
«Par lien vertical, nous entendons une histoire et une mémoire communes, car chaque culture a aussi sa mémoire propre. Il est important de ne pas oublier les blessures que les religions ont subies. Nous nous souvenons de certaines choses et nous en oublions d’autres», ajoute Thomas Staubli.
«Le judaïsme, par exemple, est la mère du christianisme, mais nous, les chrétiens, nous avons refoulé violemment les juifs, explique le professeur. L’antisémitisme dans la chrétienté a duré dans toute son horreur jusqu’au 20e siècle, pour aboutir à des choses comme Auschwitz. Ce qui montre que ces souvenirs et ces relations doivent être corrigées»
Et de conclure par l’espoir que «ce Musée aidera à changer la vision des visiteurs sur le Proche Orient».