(Reuters)- Nicolas Sarkozy s’est prononcé pour une loi d’interdiction totale, dans tous les lieux publics en France, du port du voile intégral – la burqa – en dépit de recommandations contraires du Conseil d’Etat.
Le chef de l’Etat a fait part de sa décision lors d’une discussion consacrée à ce sujet en conseil des ministres, après des semaines d’hésitation et de débats au sein de sa majorité.
Il rejoint ainsi le point de vue du président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé, qui avait déposé une proposition de loi en ce sens.
Le chef de l’Etat a opté pour sa part pour un projet de loi d’origine gouvernementale, qui sera présenté en conseil des ministres courant mai, pour examen par le Parlement « dans les plus brefs délais », a dit le porte-parole du gouvernement.
« Le texte qui sera mis en discussion au Parlement, sur un sujet qui touche aussi profondément aux principes de notre République, ne peut émaner d’une approche partisane », a expliqué Nicolas Sarkozy, cité par Luc Chatel.
Le gouvernement consultera cependant les partis et les groupes politiques, ainsi que les « autorités morales et religieuses », avant de déposer son projet de loi au Parlement, a précisé le porte-parole lors du compte rendu du conseil.
Le député communiste du Rhône André Gerin, président de la mission parlementaire qui s’est penchée pendant plusieurs mois sur le sujet, s’est réjoui de la décision de Nicolas Sarkozy, pourtant plutôt faite pour plaire à l’électorat de droite.
« Ce qui est très important derrière cette interdiction, c’est le fait que nous allons protéger, libérer pas mal de femmes qui vivent la contrainte (…) et sanctionner de manière impitoyable les gourous intégristes qui sont derrière et qui pourrissent la vie des quartiers », a-t-il déclaré à RTL.
La secrétaire d’Etat à la Ville, Fadela Amara, venue de la gauche, a estimé pour sa part après le conseil des ministres que le gouvernement prenait « un bon chemin ».
« NOUS LÉGIFÉRONS POUR L’AVENIR »
Selon Luc Chatel, Nicolas Sarkozy a estimé que le port du voile intégral ne posait pas un problème d’ordre religieux mais « portait atteinte à la dignité de la femme et n’était pas acceptable par la société française ».
Il est passé outre un avis du Conseil d’Etat, selon lequel une interdiction totale n’a « aucun fondement juridique incontestable » et soulève de « sérieux risques » constitutionnels.
« L’interdiction du port du voile intégral doit être générale, dans tout l’espace public, parce que la dignité de la femme ne se divise pas », a dit le président de la République, cité par le porte-parole du gouvernement.
Luc Chatel, qui est aussi ministre de l’Education nationale, a fait valoir qu’une interdiction partielle ne présenterait pas moins de difficultés d’application qu’une interdiction totale.
« Ensuite chacun prendra ses responsabilités – le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat », a ajouté le porte-parole, qui s’est appuyé sur le précédent du voile islamique à l’école.
Le Premier ministre, François Fillon, a déclaré que le gouvernement était « prêt à prendre des risques juridiques, parce que nous pensons que le jeu en vaut la chandelle ».
« On ne peut pas s’embarrasser de prudence par rapport à une législation qui n’est pas adaptée à la société d’aujourd’hui », a-t-il dit en marge d’une visite en région parisienne.
« S’il faut faire évoluer la jurisprudence du Conseil constitutionnel, celle de la Cour européenne des droits de l’homme pour faire face à une nouvelle question qui ne se posait pas il y a 20 ans, nous, nous pensons que c’est notre responsabilité politique de le faire ». », a-t-il souligné.
Selon Luc Chatel, « aux alentours de 2.000 » femmes seraient concernées en France par le port de la burqa.
« Mais au-delà du nombre même de personnes, il y a le symbole que cela représente », a-t-il insisté. « Et puis, nous légiférons pour l’avenir (…) Nous décidons aujourd’hui d’agir pour ne pas laisser le phénomène dériver. »
Selon Luc Chatel, François Fillon a rappelé en conseil que la mission parlementaire avait jugé que le port de la burqa était un signe de repli communautaire et rejet des valeurs de la République.
Nicolas Sarkozy a cependant déclaré que tout devait être fait pour que « nul ne se sente stigmatisé du fait de sa foi et de ses pratiques religieuses » et demandé aux membres du gouvernement d’y veiller, a ajouté le porte-parole.