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Martyre, sang et cavalcades: l’Achoura grandeur nature

achoura2.jpgGHASSEM ABAD (Iran) (AFP) – Un coup de sabre fait voler à terre le bras droit d’Hossein et l’étendard vert qu’il tenait, avant que la nuée des soldats fidèles au calife Yazid n’abatte la grande figure des chiites au jour de l’Achoura. La foule est restée silencieuse, aux abords du petit village iranien de Ghassem Abad, mais certains sanglotent devant la représentation théâtrale, mais saisissante de vérité, du martyre du petit-fils de Mahomet. La scène, survenue en 680 à Kerbala, à quelques centaines de kilomètres de là, en Irak, a été rejouée dans quasiment tous les villages et quartiers de l’Iran samedi. Dans ce pays majoritairement chiite, elle prend un relief particulier à Ghassem Abad, petite communauté d’environ 800 âmes à quelque 200 km au sud de la capitale. Il y a d’abord l’endroit, une plaine quasi désertique semée de dunes et barrée de hautes montagnes à l’horizon. Et surtout un Tazieh, ce théâtre populaire commémorant le martyre d’Hossein, joué en grandeur nature.
D’un côté, les tentes vertes du petit-fils du Prophète. De l’autre celles rouges de l’armée du successeur de Mahomet à la tête de l’islam, le calife Yazid. Au milieu, un terre-plein jonché de mannequins sans tête ni pieds, aux extrémités sanguinolentes.
Deux heures durant, un conteur déroule dans un chant entrecoupé de sanglots l’épopée d’Hossein, dont la petite troupe d’une centaine d’hommes va être coupée en morceaux par les forces du calife. « C’est notre plus grande cérémonie, celle qui nous distingue en tant que chiites », remarque Mohammad Mirzaïe, l’un des organisateurs. Car la mort d’Hossein, en marquant la défaite des partisans d’Ali, son père, pour mener l’islam contre les Omeyyades, établit définitivement la
rupture entre chiites et sunnites.
« On choisit les figurants d’après leur visage, les plus vilains et ceux qui ont l’air le plus méchant vont du côté du calife », précise M. Mirzaïe. Les chevaux du village sont mis à contribution dans des charges effrénées, et les paisibles dromadaires sont réquisitionnés dans le chapitre final pour emporter en captivité la famille du troisième imam du chiisme.
Très habilement, les victimes des troupes du calife sont entourés dans un tourbillon d’assaillants, qui permet au martyre d’échapper à la vue du public, avant de laisser place à un mannequin en guise de dépouille.
« Le spectacle est monté depuis plus de quarante ans, il a commencé avec une poignée de gens, mais tout le monde y participe aujourd’hui », explique M. Mirzaïe. Le Tazieh de Ghassem Abad est devenu si populaire dans le coin, qu’on y afflue des villages environnants en famille. On y assiste séparés, femmes d’un côté, couvertes de leur tchador noir, et hommes de l’autre.
Une longue procession a précédé l’évènement. Trois hommes du village, portant de longues hampes drapées de vert mènent les habitants qui se frappent la poitrine en signe de deuil au rythme d’un tambour. Derrière le porteur de l' »alam », une sorte de portique de fer ouvragé portant les noms des imams du chiisme et orné de plumes de paon, on se flagelle symboliquement à l’aide d’un petit fouet muni de chaînettes, le « zanjir ».
L’Achoura, ou « dixième jour », est le point culminant du mois lunaire de Moharram, que nul ne peut ignorer en Iran.
Les rues des villes et villages s’ornent de drapeaux noirs. Des taxis arborent un drapeau vert. Les devantures de magasins affichent un portrait d’Hossein. Le neuvième jour, ou « Tassoua », les chaînes de télévision nationales ont diffusé en continu des programmes consacrés au jour de deuil. Mais tout n’est pas que pleurs et sanglots. Dans les campagnes, c’est aussi un moment de partage et de rencontres. Les plus riches tuent le mouton, dont le ragoût est distribué au voisin moins aisé, aussi bien qu’au visiteur de passage. « Aujourd’hui, personne ne doit repartir le ventre vide », affirme M. Mirzaïe en engageant l’étranger à venir se rassasier.

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