DUBAI (AFP) – Les blogueurs saoudiens font campagne pour demander la libération du plus connu d’entre eux, Ahmad Fouad Al-Farhan, arrêté le mois dernier, qui s’est rendu célèbre en dénonçant l’extrémisme religieux et en appelant à des réformes politiques dans ce royaume ultra-conservateur.
Depuis son interpellation par la police le 10 décembre sur son lieu de travail à Djeddah (ouest), sa famille et ses amis ignorent toujours le lieu de détention et les charges retenues contre Ahmad Fouad Al-Farhan, le doyen des blogueurs saoudiens, qui dirige une petite entreprise d’informatique.
Sur son blog (http://www.alfarhan.org), Farhan (en arabe, jovial), le sourire narquois et le verbe acerbe, se dit « à la recherche de la liberté, de la dignité, de la justice, de l’égalité, de la ‘Choura’ (participation publique) et de toutes les valeurs de l’islam qui nous font défaut » et affirme aussi agir « pour Raghad et Khattab », sa fille (10 ans) et son fils (5 ans).
Son arrestation a été révélée mardi par le quotidien saoudien en anglais Arab News, le seul journal local à avoir rompu le silence sur cette affaire.
Farhan est détenu pour « interrogation pour avoir violé des réglementations non liées à la sécurité », a déclaré au quotidien le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mansour Al-Turki, sans autre précision.
Abeer Mishkhas, une chroniqueuse d’Arab News, note jeudi dans les colonnes du journal que la formulation laisse entendre que le blog n’est pas forcément la cause de l’arrestation et remarque que le site n’a toujours pas été bloqué par les autorités.
Mais elle souligne que l’arrestation a jeté un froid au sein de la petite, mais très active blogosphère locale, qui constitue pour les Saoudiens « un souffle d’air frais », dans la mesure où elle leur offre « la liberté et un espace sans restriction pour toutes les voix ».
« Ce sentiment de liberté est maintenant en danger », ajoute-t-elle.
Deux semaines avant son arrestation, Farhan avait écrit à des amis s’attendre à une telle mesure, en raison de ses articles sur neuf universitaires partisans d’une monarchie constitutionnelle détenus sans jugement depuis l’an dernier sous l’accusation de financement d’activités terroristes.
Farhan précisait aussi qu’il lui avait été demandé de « coopérer et de rédiger des excuses ».
« Mais je ne sais pas sur quoi je devrais m’excuser. M’excuser parce que j’ai dit que le gouvernement mentait lorsqu’il accuse les réformateurs de soutenir le terrorisme ? », demandait-il.
Ce message a été publié le 24 décembre par un comité de soutien sur « Free Fouad », un site sur lequel des centaines de blogueurs saoudiens et étrangers appellent à sa libération.
Des appels similaires ont été également lancés par plusieurs ONG arabes et internationales, en particulier The Arabic Network for Human Rights Information, Reporters sans frontières (RSF) et The Committee to Protect Journalists (CPJ).
Farhan, qui écrivait son blog sous son véritable nom, avait également épinglé une dizaine de personnalités très influentes, dont le prince et milliardaire saoudien Walid ben Talal.
Dans un article intitulé « en Arabie, non au terrorisme, oui au dialogue » publié le 3 décembre, dans la foulée de l’annonce de l’arrestation dans le Royaume de plus de 200 membres présumés d’Al-Qaïda, Farhan écrivait qu' »Al-Qaïda en Arabie ne (pouvait) pas avoir été éliminée, malgré le calme prévalant dans le pays ».
Farhan stigmatisait en même temps « le rejet du dialogue pacifique au sein de la société saoudienne ».
« Lorsque vous naissez et êtes formés (dans une société) marquée par le discours de l’exclusion de l’autre (…) votre esprit sera un terrain fertile pour l’idéologie de la violence. Lorsqu’un jeune est élevé dans le rejet de l’autre, il sera une proie facile et un instrument entre les mains des propagandistes de la violence », écrivait Farhan, qui a fait de l’extrémisme religieux l’une de ses cibles de prédilection.
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