PARIS (AFP) – « Faites-vous le ramadan? », « votre femme porte-t-elle le voile? », « votre avis sur la corruption des fonctionnaires de police marocains? » Persuadé d’avoir été « éliminé » du concours d’officier par un feu de questions discriminatoires, un policier français a saisi la Halde.
« Le jury s’est basé sur mes origines arabo-musulmanes et ma confession pour m’éliminer », estime Abdeljalel El Haddioui, 40 ans, recalé au concours interne d’officier de police 2007 après avoir reçu un 4 sur 20, éliminatoire, à l’épreuve d’entretien, dotée du plus fort coefficient.
Aux six autres épreuves, ce gardien de la paix d’origine marocaine, entré en 1998 dans la police et en poste à la police aux frontières à Paris, a obtenu des notes supérieures à la moyenne. Une note de 8,6/20 lui aurait permis de figurer parmi les 20 admis sur 700 candidats de départ.
Seul candidat au patronyme maghrébin sur 50 admissibles à l’oral, cet homme disert et courtois est convaincu d’être la victime d’une « discrimination ». Il « lance un appel » au président de la République, « qui a déclaré qu’il fallait combattre l’islamophobie comme l’antisémitisme », lundi à Alger.
Selon le policier, l’entretien avec le jury, fin septembre, a été « hors du commun », « porté de manière négative et subtile sur mes origines, mon quartier ». « Est-ce qu’on a demandé aux autres s’ils fêtaient Noël ou la Toussaint et ce qu’ils pensaient de la discrimination positive », s’interroge-t-il.
La question « vous ne trouvez pas bizarre ce gouvernement de la France avec des ministres arabes et un président à moitié hongrois? » le laisse encore songeur.
Interrogé par l’AFP sur la véracité du contenu de l’entretien, le président du jury s’est refusé à tout commentaire.
Une « demande d’information » a été adressée mardi par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) au ministère de l’Intérieur, où « une réponse est en préparation », a appris l’AFP auprès des autorités chargées du recrutement.
« Dans ce type de dossiers, la difficulté est d’établir la preuve », prévient la Halde. Si l’entretien s’est déroulé comme l’affirme le policier, il illustre une dérive dénoncée fin 2004 par Azouz Begag.
Dans un rapport transmis au ministre de l’Intérieur, le sociologue, qui n’était pas encore ministre délégué à l’égalité des chances, déplorait les questions « tendancieuses » créant « une ethnicisation implicite », fréquemment posées aux jeunes issus de l’immigration voulant devenir gardien de la paix ou adjoint de sécurité.
Il s’appuyait sur une étude de 2001 de l’Institut national des hautes études de sécurité (Inhes) consacrée aux mécanismes discriminatoires des procédures de recrutement.
Dans les entretiens, notait-il, « la subjectivité joue fortement » et les candidats maghrébins « doivent lever la méfiance qui pèse d’emblée sur eux en donnant des gages ».
Universitaire de formation, M. El Haddioui, « fils d’un tirailleur marocain de l’armée française », naturalisé français, est devenu policier, explique-t-il, « pour que mes enfants soient fiers de moi, par geste d’intégration républicaine ». Le policier, qui vit en banlieue parisienne, a le sentiment d’une profonde « injustice ».
Il déposera un recours en référé dans les jours à venir devant le tribunal administratif, avec le soutien du Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples (Mrap). Il a aussi décidé de postuler de nouveau au rang d’officier. Il se présentera aussi, par défi, au concours de commissaire.
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