A l’occasion du hadj, pèlerinage à La Mecque, qui s’est achevé le 21 décembre 2007, le quotidien saoudien anglophone ArabNews s’interroge sur la place des eunuques dans l’islam.
Ils ne sont ni hommes, ni femmes, mais ils ne le cèdent à personne en matière de dévotion religieuse. On ignore combien ils sont précisément cette année à avoir fait le pèlerinage à La Mecque [hadj], mais certaines sources proches affirment qu’ils y viennent depuis des années. Les eunuques se désignent comme étant de sexe masculin dans leurs demandes de visa pour le hadj, aussi est-il impossible de déterminer leur nombre exact. Ici, ils ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan, et personne ne les remarquerait si leurs attitudes et leurs voix flûtées ne les distinguaient des autres pèlerins.
Hier, notre correspondant a rencontré quatre eunuques, tous originaires de Bhopal, en Inde. L’un d’entre eux, prénommé Haji Saleem, le meneur du groupe, a parlé au nom de ses compagnons. « Vous avez raison, nous ne sommes ni des hommes, ni des femmes. Nous sommes nés comme ça, dit-il. C’est mon deuxième pèlerinage. Je suis déjà venu en 1998. C’est pour ça que j’ai ajouté ‘Haji’ à mon nom. Je suis révéré et craint dans ma communauté, et chacune de mes paroles est comme un ordre. » En Inde, Haji Saleem est mieux connu sous le nom de femme de Salma. Ses trois compagnons disent s’appeler Abdoul Rachid (plus connu sous le nom de Mumtaz), Abdoul Shabbir (Sanno) et Haji Zahoor (Zohra).
N’étant ni hommes, ni femmes, avec qui prient-ils ? « Nous respectons les femmes, alors nous n’allons pas avec elles. Mais l’islam nous autorise à prier avec qui nous voulons. Par souci de simplicité, nous nous classons parmi les hommes, c’est pour cela que pendant le pèlerinage nous portons des vêtements d’hommes. Chez nous, nous portons toujours des tenues de femmes », explique Haji.
Que dit l’islam à propos des eunuques et du pèlerinage ? Adil Salahi, spécialiste renommé et rédacteur de la rubrique Islam d’Arab News, souligne que « si l’eunuque est un homme qui a été castré, il est soumis à toutes les règles s’appliquant aux hommes. Si cette personne est née ainsi, elle relève du genre auquel elle ressemble physiquement. Si un eunuque dit être un homme ou une femme, l’islam accepte cet état de fait dans les domaines où l’eunuque n’en retire pas d’avantage matériel. Concernant le pèlerinage, un eunuque a le devoir de faire le hadj comme tout musulman. Si un eunuque possède les caractéristiques physiques d’un homme, comme la barbe, c’est un homme. S’il a le physique d’une femme, de la poitrine par exemple, il est considéré comme une femme. »
Selon Haji Saleem, ils seraient 150 membres de sa communauté à Bhopal. « Nous vivons tous ensemble. Nous partageons nos joies et nos peines. Nous sommes des musulmans comme les autres. Nous prions cinq fois par jour. Nous n’avons pas de mosquée séparée. Nous fréquentons les mêmes lieux que tous les autres musulmans. »
De retour chez eux, continueront-ils à danser et à chanter comme avant ? Haji Saleem formule une réponse intéressante. « Ceux qui ont fait deux fois le pèlerinage acquièrent le statut de mukhia ou gourou. Ils ne sont plus obligés de porter des vêtements de femmes et ils n’ont plus le droit de chanter et de danser. Mais ceux qui ne sont allés qu’une seule fois au pèlerinage peuvent reprendre leur vie comme avant mais après une période de deux mois. »
Haji Saleem explique qu’ils sont tous ravis d’être ici pour le hadj. « Bien sûr que nous sommes heureux. Vous ne pouvez pas savoir à quel point. C’est vrai que nous avions peur au moment de monter dans l’avion. Mais, une fois arrivés, toutes nos craintes se sont évanouies. La simple vue de la ville sainte et de la Kaba nous a réjouis. Nos prières sont avec toute la communauté musulmane. Puisse Allah donner la chance à tout musulman de faire le pèlerinage et de voir la glorieuse Kaba. » « Ainsi soit-il », conclurent à l’unisson ses trois compagnons.
Courrier International, 27/122/2007 d’après: Siraj Wahab, Arabnews.
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