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Egypte/sydicat des journalistes: Les femmes à l’épreuve des urnes

les-femmes-journalistes.jpg Même si une candidate seulement a pu gagner, c’est la première fois dans l’histoire du Syndicat des journalistes que la présence des femmes aux élections ait atteint un chiffre record. Onze femmes se sont lancées dans la bataille électorale envers et contre tout.

«Peut-être verra-t-on un jour une femme à la tête du syndicat », commente Amina Chafiq, membre influent et dernière figure féminine au syndicat. Cette dernière a décidé de se retirer pour donner la chance à d’autres de prendre la relève. « Les élections du syndicat ne devraient pas être comparées à un match de boxe, pourtant, je vais devoir épauler mes collègues. Je lance un appel à toutes les journalistes pour se lancer dans l’aventure », lançait-elle à ses collègues à la veille des élections. Pour la première fois dans l’histoire, il y a eu une participation massive des femmes, 11 au total qui ont entamé leur campagne électorale. Un chiffre record et une chance pour elles d’avoir occupé plusieurs sièges au nouveau conseil syndical. Malgré les prévisions selon lesquelles la participation féminine serait plus importante au conseil du syndicat, une seule a pu gagner la bataille électorale. Abir Al-Saadi, journaliste à Al-Akhbar et candidate, est l’unique visage féminin représenté au sein du nouveau conseil. Elle a pu rafler plus de mille voix. Pourtant, trois autres ont pu décrocher plus de 450 voix au minimum, chacune sur un total de 3 582 voix qui ont voté, à savoir Mona Ezzat, Nour Al-Hoda Zaki et Bahiga Hussein. Un bon indice pour les prochaines élections qui vont avoir lieu dans deux ans. « Je remercie tous mes collègues qui ont voté pour moi et j’espère être à la hauteur de leur représentation », confie Abir Al-Saadi, la première femme au conseil depuis 1999.

Les préparatifs pour cette bataille ont commencé depuis un mois. Avec beaucoup d’entrain, les candidates se sont déplacées dans les différentes rédactions pour présenter leurs programmes électoraux. Un programme qui incarne l’expérience de chacune, sa vision des choses et les problèmes qu’elle rencontre et partage de près avec ses collègues.

Mona Ezzat est un visage connu. Elle est l’une des candidates inscrites au syndicat depuis moins que 15 ans. Membre du Fonds de solidarité des journalistes, elle fait partie aussi du Mouvement des journalistes pour le changement et celui qui soutient l’Intifada. Avec le temps, elle a su tisser de bonnes relations avec ses collègues dans les différentes institutions et ne rate aucune occasion pour se rendre par-ci et par-là, profitant de ses connaissances pour présenter son programme électoral. « Je vois que ces dernières années, la femme a affronté les mêmes difficultés que ses collègues hommes. On a même recouru à la violence contre elle, au cours de son travail sur le terrain. Son absence au sein du Conseil du syndicat serait donc injustifiable », dit Mona avec ardeur. « Je refuse de représenter uniquement les femmes. Il y a des dossiers qu’il faut aborder en extrême urgence comme épargner aux journalistes de faire de la prison et en ce moment, 11 de nos collègues risquent de connaître ce sort. Il y a des priorités et on ne peut plus se permettre de diviser les rangs », confie Mona, qui estime cependant lutter contre toutes sortes de discriminations contre la femme. « L’accès à des postes-clés pour les femmes reste bien réduit. Il est temps qu’elle participe pleinement au mouvement syndical. Et même si je ne gagne pas, j’encouragerai d’autres femmes à tenter leur chance », explique-t-elle.

Imane Raslène, une autre figure féminine, a sa propre stratégie. Tirée à quatre épingles, elle tente de casser le stéréotype de la syndicaliste à l’allure masculine. « Lors de ma campagne électorale, les gens m’ont choquée avec leurs commentaires : tu es coquette, fragile, tu ne pourras pas tenir le coup. Ceci reflète une vision à l’égard de la femme que j’essaie malgré tout d’éradiquer. Mes collègues doivent m’accepter comme je suis. Pour m’élire, il faut respecter mes principes et ma vision de voir les choses. Je refuse d’être un décor au sein d’un conseil pluriel », dit-elle.

Raslène confie avoir tardé à rejoindre le mouvement social à cause de ses obligations familiales. Elle dit qu’après 40 ans, la femme aspire à un rôle autre que celui d’une mère. Son objectif : obtenir le plus grand nombre de voix grâce aux services qu’elle compte offrir aux femmes. « Je comprends bien les problèmes rencontrés par les jeunes journalistes pour trouver une crèche convenable et conforme à leurs moyens afin de placer leurs enfants. C’est pour cela que je propose d’ouvrir une garderie au siège du syndicat. Un endroit idéal et proche de toutes les institutions journalistiques », commente Imane. Elle se tait un moment, puis continue : « Peut-être que ce projet va provoquer des plaisanteries et que l’on va me surnommer la candidate de la crèche alors qu’il y a d’autres problèmes plus critiques. Mais je ne m’en soucie guère, car il faut soutenir la femme journaliste, lui créer un climat favorable et ce à travers ce genre de services. Il faut faire face au défi et imposer notre volonté, car la journaliste rencontre bien des difficultés lors de sa maternité, ce qui l’empêche d’être plus productive ».

En effet, bien que le taux des femmes inscrites à l’assemblée générale atteigne les 38 % du nombre total des journalistes, la présence de celles-ci au conseil était quasiment nulle. Bien que la loi garantisse la diversité d’âge, de sexe et de tendance politique, la présence de la femme n’a été importante que lors des élections de 1979 (voir encadré).

Pourtant, la période actuelle témoigne d’un changement. D’après Amina Chafiq, la situation actuelle encourage la femme à participer au mouvement syndical. « Il est vrai que j’ai acquis mon expérience dans des conditions plus commodes car la société était plus ouverte à tout. Aujourd’hui, celle-ci connaît un éveil remarquable ». Elle estime qu’un grand effort a été déployé au cours des cinq dernières années par la société civile et le Conseil de la femme pour plus de participation féminine.

D’ailleurs, le mouvement féministe n’a pas cessé à son tour de lancer des appels pour insister sur un quota de 30 % de femmes au Parlement, aux municipalités et aux syndicats. Et ce, sans oublier la convention internationale de CIDAW que l’Egypte a signée pour une discrimination positive en faveur de la femme. Des efforts qui semblent porter leurs fruits. « Ce qui a lieu aujourd’hui au syndicat reflète sans doute une réaction contre ceux qui veulent que la femme retourne à la maison », commente Mona Ezzat.

Yéhia Qallach, un des plus anciens membres au syndicat, assure que lors de la dernière session électorale, le syndicat a vécu une véritable expérience démocratique, ce qui a encouragé les femmes à participer. De plus, l’expérience de Nawal Ali, victime d’actes de violence lors du référendum, a regroupé beaucoup de femmes dans une manifestation sur l’escalier du siège du syndicat. Une manifestation qui a marqué toutes celles qui bravent des conditions difficiles au travail.

Mais pour d’autres, il s’agit d’un véritable éveil au sein de la société égyptienne. « C’est une réaction contre le discours fanatique qui réclamait depuis des années le retour de la femme au foyer », conclut Mona Ezzat, prête à se lancer de nouveau dans la prochaine bataille électorale.

Al Ahram hebdo (Egypte) 24/11/2007

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