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Les opposants libyens jihadistes, terreau de l’attentat de Manchester

Londres, 25 mai 2017 (AFP)La communauté libyenne dans laquelle a grandi l’auteur de l’attentat de Manchester a accueilli bon nombre d’opposants au régime de Mouammar Kadhafi (1969-2011) en partie issus des rangs jihadistes, selon des experts interrogés par l’AFP.

« Si vous étiez un Libyen vivant hors de Libye, vous étiez probablement quelqu’un qui n’était pas très ami avec le colonel Kadhafi », a rappelé à l’AFP Raffaello Pantucci, directeur d’études en sécurité internationale à l’institut RUSI de Londres, spécialiste du terrorisme au Royaume-Uni.

Chez ces opposants, « cela allait des nationalistes laïcs aux islamistes violents et aux jihadistes », a-t-il ajouté. Même s’ils avaient des idées différentes, « parce qu’ils menaient tous le même combat contre le même régime, ils ont eu tendance à se regrouper » notamment à Manchester, souligne-t-il.

Parmi ces partisans de la révolution libyenne, figurent nombre « de médecins, de chercheurs, juste des gens normaux », a tenu à rappeler à l’AFP Mohamed Fadil, porte-parole de cette communauté à Manchester, qui exclut la présence d’extrémistes en son sein et regrette « l’image négative » que l’attentat donne des Libyens.

Mais pour Reda Fhelboom, un journaliste libyen ayant longtemps vécu à Manchester avant de retourner vivre en Libye, le Royaume-Uni « protège depuis plusieurs années des centaines d’extrémistes recherchés par leurs pays » et en « paye aujourd’hui le prix ».

« L’attentat commis par un Libyen était prévisible. Je n’ai pas été surpris parce que je voyais tous les jours à Manchester les extrémistes libyens du Groupe islamique combattant libyen (GICL) ou d’autres se promener en toute liberté », a-t-il dit à l’AFP.

Si le GICL est interdit au Royaume-Uni depuis 2005 et considéré comme une organisation terroriste, un responsable de la sécurité à Tripoli, Ahmed Ben Salem, a déclaré à l’AFP que Ramadan Abedi, le père de l’auteur de l’attentat de Manchester qui a fait 22 morts, en était membre.

Ce groupe jihadiste salafiste a combattu en Afghanistan « aux côtés d’Al-Qaïda qui, à l’époque, rassemblait les brigades de combattants étrangers luttant avec les talibans et Oussama Ben Laden contre les Soviétiques », a expliqué à l’AFP M. Pantucci.

Après la guerre en Afghanistan, certains « ont tenté de rentrer au pays pour continuer leur révolution » mais « beaucoup d’entre eux notamment du GICL ont fini par venir au Royaume-Uni où ils ont tiré avantage du fait que le pays était assez ouvert vis-à-vis des opposants politiques », estime-t-il.

Ramadan Abedi était l’un d’entre eux. Il a ainsi trouvé refuge en Grande-Bretagne avant de rentrer en Libye pour combattre aux côtés des rebelles les forces de Kadhafi pendant la révolte de 2011, selon des médias britanniques.

Après la chute du régime du colonel en 2011, Ramadan Abedi a occupé un poste de responsabilité dans la Direction de la police à Tripoli, a également dit M. Ben Salem.

« Vous avez affaire à un environnement familial où le combat armé est relativement normalisé », a avancé M. Pantucci. « Donc, même si le père ne voulait peut-être pas que son fils s’engage dans un aspect du combat, il y est lui-même engagé. Vous pouvez donc comprendre que ça puisse être troublant du point de vue du fils », a-t-il fait valoir.

« Il est alors facile de voir comment d’autres ont pu le convaincre en offrant une cible différente », a-t-il ajouté.

Le chercheur note en outre que « les cercles jihadistes salafistes », que ce soit le groupe Etat islamique (EI), Al-Qaïda ou le GICL libyen, « sont très entremêlés » et ont un « terreau commun ».

Pour Salah Suhbi, un député libyen qui a grandi à Sheffield (nord de l’Angleterre), les Libyens de Manchester « savent exactement ce qui se passe, il y a une politique de recrutement, nous mettons en garde contre ça depuis des années », a-t-il affirmé au Guardian.

Ghazi Gheblawi, un médecin vivant à Londres, craint, quant à lui, que l’idéologie de l’EI ne se répande sur les terres britanniques « comme elle l’a fait au pays ».

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