Une exposition à voir dès aujourd’hui à Fribourg met en écho le culte antique des divinités féminines du Proche-Orient et les représentations de la Vierge. Passionnant!
«Notre Père qui est aux cieux». «Seigneur, aie pitié». Le genre du divin qui règne sur le christianisme ne fait aucun doute. Dieu est mâle. L’iconographie le représente toujours comme «le Père», avec sa longue barbe souvent blanche et sa toute-puissante virilité.
Pourtant, au départ, rien ne promettait au sexe masculin une si brillante destinée. La Genèse dit clairement: «Dieu créa l’homme (le premier être humain) à son image. A l’image de Dieu, il le créa, mâle et femelle il les créa. »
«Il existe donc deux types de cette image de Dieu: l’un, masculin, l’autre, féminin. Et ce n’est qu’ensemble qu’ils manifestent la plénitude de Dieu», constate Othmar Keel, professeur honoraire d’ancien Testament à l’Université de Fribourg, qui est aussi le fondateur et le président de la Fondation Bible et Orient.
Médiatrice et amante
C’est à ce titre qu’il a décidé de répondre à la question: «Mais où est donc passée la part féminine de Dieu?» dans une exposition passionnante – «L’Eternel féminin. De la déesse orientale à l’image de Marie» – à voir dès aujourd’hui et jusqu’au 6 avril au Musée d’art et d’histoire de Fribourg.
Mère nourricière, image de la terre féconde, femme combative, consolatrice, médiatrice, amante, autant de facettes de la féminité célébrées par les civilisations du Proche-Orient ancien. Toutes ont fait de la femme des déesses, célébrant par d’innombrables représentations – statuettes, peintures, bas-reliefs, sceaux cylindres – la part féminine du divin.
Plus de trois cents de ces idoles ont été regroupées dans l’exposition et confrontées à cette grande héroïne de la chrétienté qu’est Marie. Les similitudes entre les déesses antiques et la mère du Christ sont légion. Au culte des divinités nourricières dont on magnifie la poitrine répondent de troublantes illustrations de la Vierge pressant son sein pour nourrir Saint-Bernard d’un jet de son lait.
La douce Marie sait se montrer impitoyable, notamment lorsqu’il s’agit d’écraser le mal, tout comme Tanit, la mère dangereuse, et d’autres divinités antiques combatives et guerrières, à l’instar de la Grecque Athéna et de Neith l’Egyptienne.
Souvent sollicitée dans les ex-voto, la mère du Christ n’est autre que celle qui intercède entre Dieu et les hommes. Comme ces déesses arabes primitives qui, juchées sur un chameau, font le voyage entre l’un et les autres.
Quatorze thèmes
La muséographie de l’exposition fribourgeoise est exemplaire, pédagogique sans être pédante. Les quatorze thèmes qui énumèrent les divers aspects de la féminité sont déclinés au travers des objets antiques dans la partie centrale, disposés en épi et figurés sur du bleu nuit. Contre les murs de la salle, en beige, sont disposées, en écho, les représentations de Marie.
Une belle démonstration pour souligner la réconciliation des parts masculine et féminine du divin. Othmar Keel: «Au cours du XXIe siècle s’élaborera une nouvelle représentation de Dieu. On y verra certainement reparaître ces traits féminins de l’image de Dieu. Comment se réalisera cette nouvelle représentation de l’être humain accompli? Nous ne le savons pas encore. »
La Tibune de Genève 9/12/2007
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