Le conflit entre l’Ugtt et le Mouvement Ennahdha a pris une autre dimension avec le soutien que la société civile est venue apporter à la centrale syndicale. Les manifestants, venus hier de tous bords, considèrent l’Ugtt comme la seule structure capable de protéger les acquis de la révolution contre toutes les dérives d’où qu’elles proviennent.
La Place Mohamed-Ali a vécu, hier vers midi, un grand rassemblement des syndicalistes, venus des différentes régions. Un rassemblement qui a vu la participation d’un bon nombre de personnalités, associations et mouvements de la société civile. La foule était deuse, dix mille personnes environ.
Le secrétaire général de l’Ugtt, Hassine Abassi, a évoqué, lors de son speech, le rôle de l’Union, en tant qu’organisation nationale, dans l’employabilité et le développement régional. Selon lui, le gouvernement actuel s’intéresse trop aux détails, ce qui ralentit ses démarches. «L’Ugtt est une force de soutien au développement du pays, a-t-il souligné, et non pas un contrepoids au gouvernement, à condition que la vision et les orientations de ce dernier soient claires». Pour le secrétaire général de la centrale syndicale, les agressions dont ont été la cible les sièges de l’Union constituent un acte inacceptable et dangereux en soi. «Le débat essentiel, a-t-il déclaré, c’est comment promouvoir l’employabilité et le développement régional». Toujours d’après le patron des syndicalistes, l’Ugtt reste un partenaire principal avec lequel le gouvernement doit tisser des relations de coopération et de concertation, plutôt que de confrontation.
Un peu plus tôt dans la matinée, le secrétaire général s’était entretenu avec l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi qui a exprimé son soutien à la centrale syndicale face aux agressions qu’elle subit depuis quelque temps. M. Abassi s’est entretenu aussi avec d’autres personnalités nationales dont Mohsen Marzouk, Taïeb Baccouche, Chokri Belaïd, Maya Jribi, Issam Chebbi et Ahmed Brahim.
Selon Nasreddine Sassi, journaliste militant au sein de l’Ugtt, le rassemblement et la marche sont une réponse aux agressions visant à dévaloriser le rôle de l’Union. «C’est un message, observe-t-il, qui vient confirmer la place de l’Ugtt en tant que force sociale et partenaire incontournable dans le développement».
Le rempart des pauvres
Le rassemblement, qui a duré un peu moins d’une heure, s’est converti en une marche pacifique le long de l’Avenue Bourguiba avant d’aller camper devant le ministère de l’Intérieur. Les manifestants ont brandi de nombreuses banderoles et pancartes affirmant leur attachement à la centrale syndicale. Entre autres slogans, l’on peut citer «Ne touche pas à mon Ugtt», «Syndicaliste et j’aime mon pays», «La Tunisie est un Etat citoyen, non à la dictature, non aux forces réactionnaires», «L’Ugtt, protecteur de la révolution»…
Evoquant la marche, Me Mokhtar Trifi, président d’honneur de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme, précise que «c’est une action pour répondre aux tentatives de dénigrer l’Ugtt, importante institution citoyenne dans le pays. Le peuple tunisien a prouvé qu’il n’acceptera jamais les pratiques illégales qui visent à semer la terreur et la discorde. C’est l’occasion, pour lui, de donner son avis concernant plusieurs questions dont le congrès des «amie de la Syrie» qui est considéré comme une étape vers l’intervention militaire contre ce pays frère, au lieu d’être une solution».
La grande foule a scandé plusieurs slogans devant le ministère de l’Intérieur, dont le fameux «Dégage». Pour Badreddine Tarhouni, vice-président de l’association «Fidélité aux jeunes de la révolution», «l’Ugtt est une citadelle du militantisme et personne ne peut toucher à son image. Elle fait partie de la société civile qui appelle à la paix sociale et au développement. Le gouvernement est préoccupé par des questions qui semblent peu intéressantes pour le citoyen ordinaire qui endure divers problèmes économiques ces temps-ci. Il vaut mieux que ce gouvernement porte son intérêt sur ce qui nous touche directement avant tout».
Vers 15h, les forces de l’ordre sont intervenues, obligeant les manifestants à se disperser. Quelques bombes lacrymogènes étaient de la partie avant que des cercles de discussions ne soient engagés ici et là . Retour à la normale.
La presse (Tun) 26/02/12