STRASBOURG (Conseil Europe) (AFP) – La Cour européenne des droits de l’homme a jugé fondée lundi, dans une décision en appel, la condamnation d’un journaliste suisse qui avait divulgué une note diplomatique secrète sur les avoirs juifs en déshérence dans les banques suisses.
La Grande chambre de la Cour a estimé par 12 voix contre cinq que la Suisse n’avait pas violé la liberté d’expression du journaliste en le condamnant pour ces faits.
Elle affirme dans son arrêt partager l’opinion du gouvernement suisse et du Conseil de la presse selon laquelle Martin Stoll n’a pas eu comme intention première d’informer le public sur une question d’intérêt général, mais de faire du rapport de l’ambassadeur « un sujet de scandale inutile ».
« Le contenu de ses articles était manifestement réducteur et tronqué », le journaliste semblait prêter à l’ambassadeur des intentions antisémites, et « la mise en page des articles litigieux, avec des titres faisant du sensationnalisme, ne paraissait pas digne d’un sujet aussi sérieux que celui des fonds en déshérence », estiment les juges européens.
Dans deux articles diffusés en janvier 1997 par la Sonntags-Zeitung, un hebdomadaire dominical à grand tirage, Martin Stoll avait publié des extraits d’une note de Carlo Jagmetti, ambassadeur de Suisse aux Etats-Unis, sur les négociations entre le Congrès juif mondial et les banques suisses à propos des avoirs en déshérence.
Le diplomate avait démissionné suite au tollé provoqué par la divulgation de cette note dans laquelle il écrivait que la controverse entourant les avoirs juifs représentait pour la Suisse « une guerre » qu’elle devait « gagner sur les fronts extérieur et intérieur ».
La controverse portait sur les avoirs déposés en Suisse par de futures victimes de l’Holocauste et le recyclage de l’or pillé par les armées de Hitler.
Martin Stoll avait été condamné à une amende de 800 francs suisses (476 EUR) pour publication de « débats officiels secrets ».
A l’arrêt de la Grande chambre est adjointe l’opinion dissidente de cinq juges européens qui voient dans la décision favorable à la Suisse « un tournant dangereux et injustifié par rapport à une jurisprudence bien établie de la Cour concernant la nature et la valeur primordiale de la liberté d’expression dans les sociétés démocratiques ». Celle-ci doit s’interpréter « comme un besoin social impérieux », estiment-ils.
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